La Chronique de Dupk : Supporter, mon frère, mon semblable...

Olivier Baute
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La Chronique de Dupk : Supporter, mon frère, mon semblable...
Photo: © SC

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J'ai divisé la société en deux catégories : mes amis ou mes cons à moi et les cons des autres que je ne supporte pas. Michel Audiard

 

Le supporter de football mérite le plus beau des coups de chapeau. Lui, cet enfant naif qui s’enthousiasme pour un rien. Lui qui saute au plafond pour un but. Lui qui chante à tue-tête parce qu’il est heureux d’être debout dans le froid, sous la pluie, sous la neige, sous le regard aquariophile des bourgeois à triple mentons installés derrière la vitre des business seats. Lui, le petit homme en écharpe colorée splendide.

 

Le supporter, le socio, le tifosi supporte tout, sauf la couleur du club rival. En fait, de couleurs, il n’aime que la ou les deux couleurs de la vareuse de son équipe. Le reste, c’est caca, couleur de pampers ou de monture de lunettes pour intellectuel écolo tendance Copenhague-mon-amour. Il voit le monde soit en noir et blanc, en rouge et jaune, en rouge et blanc, en bleu et noir, en vert et noir et parfois même, en cas de daltonisme incurable, en mauve et blanc. Mais jamais en rose casse-bonbons. Le supporter de football s’en fout de des arcs-en-ciel, des camaieux et autres nuances d’artistes à lavalières de soie.

 

On le dit macho. Pourtant, il aime sa femme un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout. Il la tolère comme un moindre mâle quand au moment de quitter le foyer pour se rendre au stade, sa moitié, sa dulcinée, sa Cristiano Ronaldo en jupons lui tend son écharpe en lui sussurant tendrement un « N’oublie pas ton écharpe pour ne pas prendre froid !».

 

Il a des yeux doux pour sa compagne qui après lui avoir repassé son vieux maillot taille Small lui tend une demi-douzaine de canettes de bière avant de l’embrasser goulûment et de lui dire « C’est pour la route, comme ça tu traînes pas dans les cafés ».

 

Il l’adore lorsqu’elle porte le string aux couleurs de son club et décide de l’accompagner dans sa virée footballistique emportant dans son sac Delvaux la collection de Panini 1982 avec notamment la vignette dédicacée de tel joueur vedette de l’époque qui aujourd’hui est T3 dans le club de leur coeur fusionnel.

 

Mais il la foudroie d’un regard, il la hait comme si elle était un arbitre ou un ponte de l’Union Belge de Football le soir où cette pétasse, cette gâcheuse de vie, cette rabat-joie moche façon Dick Advocaat marchant sur ses hauts talons pour tancer Vincent Kompany, le soir donc où cette mijaurée lui annonce que c’est son tour de sortir, que le baby-sitting, c’est pour lui, que les biberons sont emballés dans les pages sportives de son journal, celles justement qu’il n’avait pas encore eut le temps de découper pour coller dans son book saison 2009/2010, que si sa copine Anne-Françoise téléphone, qu’il lui réponde qu’elle arrivera un peu en retard mais qu’elle la retrouvera à l’entrée du Théâtre Poême.

 

N’empêche, le supporter de foot reste un bon bougre, un type magnifique, social dans un monde qui se lézarde, fraternel dans un environnement qui grince, tribal dans une société du cocoon concon ronron. Il commémore avant chaque match ses morts, ses frères disparus trop tôt, la larme à l’oeil, pas celle du crocodile, non, la vraie, surgie du plus profond de sa sensibilité.  Il chante à pleins poumons comme l’enfant de choeur de jadis. Il saute dans les bras de son prochain dès qu’un filet de pêcheurs accroché à trois poteaux imbriqués tremble. Il refait le match après le match comme d’autres refont l’histoire au café, avec ses amis, en buvant un dernier, puis encore un autre dernier, puis encore un dernier dernier godet avant la route, en se souvenant qu’il lui reste encore pour cette route du retour six canettes un peu tiède au fond de sa besace

 

Amis supporters rouges, verts, bleus, jaunes et même amis supporters daltoniens mauves, je vous souhaite une belle année 2010.

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