Edito Débordements dans les stades : "pas des vrais supporters", une expression qui doit disparaître

Débordements dans les stades : "pas des vrais supporters", une expression qui doit disparaître

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C'est devenu une mauvaise habitude dans nos stades et, ironiquement, dans ceux de Ligue 1, ce voisin auquel nous-autres Belges n'aimons pas vraiment nous comparer ces dernières années : le comportement des supporters force des interruptions de rencontres.

Ce week-end, la Pro League nous a encore offert de superbes moments de football : un Eupen-Union inattendu au sommet du classement, un Seraing-Charleroi qui a confirmé le haut niveau de jeu des Zèbres, six matchs à trois buts ou plus, tout cela sans même évoquer le reste de l'Europe avec des chocs au sommet en Angleterre, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en France. Pourtant, comme trop souvent dans ce football post-Covid, le spectacle en tribunes a par moments gâché le spectacle sur la pelouse. 

Déjà au Standard, puis à Bruges ... 

Nous ne remonterons pas plus loin, en Pro League, qu'au week-end passé quand Rafael Romo, portier d'OHL, s'est retrouvé assourdi par un pétard ayant explosé près de son but. Contentons-nous de souligner que c'est malheureusement fréquent à Sclessin comme ailleurs, et que cela aurait pu avoir des conséquences graves sur la santé du joueur.

Quelques jours plus tard, cette fois sur la scène européenne, un drame se joue en marge de Bruges-Manchester City quand un supporter ... belge de City est presque battu à mort par des fans du Club. On entre dans une autre dimension, celle du hooliganisme pur. Et alors qu'on espérait qu'un tel drame calme les esprits, voilà que dans deux des stades réputés les plus "familiaux" de Belgique, à Seraing et Eupen, l'arbitre a dû intervenir et arrêter le match pendant un quart d'heure après des jets de projectiles. 

Mais inutile de pointer du doigt ou Seraing, ou Eupen : des jets de projectiles, Noa Lang en a été la cible aussi au Lotto Park il y a quelques semaines. Les Brugeois eux-mêmes sont réputés pour leur hostilité envers les visiteurs, et nous ne parlerons même pas des chants racistes, antisémites ou homophobes entonnés de ci de là en Belgique comme ailleurs. Ironie ultime : à West Ham, on entendait des supporters anglais, en avant-match, s'inquiéter du "hooliganisme" belge, affirmant que les fans de Genk étaient réputés violents - on parle de West Ham, club gangrené par le hooliganisme jusqu'aux années Thatcher, aujourd'hui bien plus calme dans son "théâtre" du Stade Olympique, mais tout de même ! 

Quelque chose de pourri au Royaume de Belgique ? 

Ce lundi, dans La Dernière Heure, le sociologue du sport Jean-Michel De Waele affirme que cette violence est le reflet d'une société elle-même violente, en proie au doute et à la tension après la pandémie de coronavirus. S'il dit vrai, alors force est de constater qu'il y a quelque chose de pourri en Belgique, mais aussi et surtout en France : la Ligue 1 est un véritable champ de bataille depuis le début de la saison, avec un coup d'envoi retardé d'une heure à Saint-Etienne vendredi comme dernier débordement d'une longue liste. 

Ce dimanche, c'est même presque un miracle que le Classique entre Marseille et le PSG n'ait pas été arrêté temporairement, et on peut féliciter les joueurs parisiens qui n'en ont pas rajouté malgré des circonstances difficiles et ont notamment joué leurs corners très vite sous le torrent de projectiles. L'OM, cependant, risque fort la déduction de points pour le comportement de ses fans, et Dimitri Payet a alors tenu ces propos typiques : "Ce ne sont pas de vrais supporters de Marseille". 

"Eux" et "nous" ? 

Cette phrase, elle est banale et lancée par chaque journaliste, consultant, joueur. Elle est pourtant fausse, et utilisée surtout par souci de paraître, par habitude, presque machinalement et sans réfléchir à son implication. Cette phrase, elle exclut toute une frange du public de ce qu'est ou devrait être le supportérisme, estimant que tout un kop "n'est pas" supporter - alors que ce sont généralement les acharnés, les amoureux viscéraux du club, qui ont les réactions les plus extrêmes, regrettables, punissables.

Où se situent, dans un stade, ceux qui ont le logo de leur club tatoué sur le bras, dépensent une bonne partie de leur salaire pour un abonnement, suivent leur club partout ? Dans le kop d'où sont jetés des projectiles, à vociférer sur l'adversaire et, parfois, à dépasser les bornes, ou dans les travées, à applaudir calmement et présents en famille ? Les "ultras" interdits de stade,  ceux qui prennent tous les risques pour "leur" club ne seraient donc "pas des vrais supporters" ? En tenant ce genre de propos, on crée une division entre "eux" et "nous", qui vaudrions mieux. Non, les comportements abusifs ne doivent pas être impunis, mais ils sont l'oeuvre de supporters, parfois même plus que d'autres. En l'acceptant, et en dialoguant avec eux en tant que tels, un pas serait fait dans la bonne direction ... 

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