Interview Entretien avec Tom Saintfiet, nominé en Afrique : "Les clubs belges vont chercher des gens qui ont bien moins réussi que nous..."
Photo: © SC
Le nom de Tom Saintfiet est souvent synonyme d'exotisme. Il est vu en Belgique comme un globetrotter plutôt que comme un entraîneur de haut niveau, mais Saintfiet vient d'être nominé parmi les 10 meilleurs coachs du continent africain, et aimerait être respecté.
Tom Saintfiet a mené la Gambie jusqu'à un étonnant quart de finale lors de la dernière édition de la CAN. Une performance pas forcément soulignée en Belgique, mais qui lui a valu énormément de louanges sur le continent africain. Le voilà donc sélectionné parmi les 10 meilleurs entraîneurs d'Afrique. "C'est tout de même assez frappant. Un tel résultat avec une sélection qui est 150e mondiale, derrière le Luxembourg. Et on en a à peine parlé dans les plus grands médias sportifs du pays", regrette-t-il pour Walfoot.
Saintfiet l'a déjà dit, pour lui-même, il n'a plus beaucoup d'espoir. Mais le coach de 49 ans trouve dommage que tant d'entraîneurs belges doivent s'exporter pour être reconnus. "En Belgique, tu es ignoré si tu entraînes à l'étranger sans avoir d'abord brillé au pays. Clément, Gerets, Preud'homme, eux étaient suivis quand ils ont coaché à l'étranger. Mais des garçons comme Sven Vandenbroeck, Fuat Capa ou moi-même, nous sommes inconnus alors que nous avons du succès depuis des années". Un constat qui ne vaut pas que pour le public mais aussi pour les clubs, que Tom Saintfiet juge frileux. "Les clubs belges vont aller chercher des entraîneurs qui ont bien moins performé, et ne prendront pas leurs propres compatriotes en compte".
Car selon lui, la qualité est bien présente chez les Belges des pays dits "exotiques". "Regardez Sven Vandenbroeck. Il a été champion en Tanzanie et s'en sort très bien au Maroc (il y est nominé parmi les coachs de l'année, nda). Sven était en discussions avec Malines mais ils lui ont préféré l'entraîneur du 12e d'Eredivisie ! Le travail des coachs belges est sous-estimé. C'est aussi dû au peu de connaissances des observateurs. Tout le monde connaît la France, l'Espagne, l'Angleterre, l'Italie. Mais on ignore qu'en Tanzanie, chaque match est suivi par 40.000 à 60.000 personnes, qu'il y a des milliers de personnes aux entraînements...c'est quelque chose auquel les Européens ne sont pas habitués". Nous avions interviewé Vandenbroeck il y a quelques mois sur son expérience africaine.
J'ai 90 matchs FIFA à mon palmarès, c'est le second plus haut chiffre derrière Guy Thijs pour un Belge
Concernant Saintfiet, la fierté de cette sélection parmi les meilleurs coachs du continent est bien présente. "Cela a été peu relayé alors que je suis repris aux côtés de personnes comme Carlos Queiroz (ex-Portugal), Vahid Halilhodzic. Nous sommes les trois seuls européens nominés. Attention : je ne gagnerai pas ce prix", sourit-il. "Mais rien que d'être nominé, quel honneur. C'est une belle liste". De quoi attirer les regards ? "Je ne dirai pas non à un club belge, mais ce n'est pas un objectif en soi. Des clubs de D1B m'ont contacté et j'ai refusé. J'ai entraîné sur quatre continents, j'ai 90 matchs FIFA à mon palmarès...c'est un chiffre record belge derrière Guy Thijs !", souligne Saintfiet.
Un globetrotter? C'est du passé
Autre image qui lui colle au train, celle de coach de sélection et pas de club. "J'ai pourtant de meilleures statistiques en club. Mais les sélectionneurs doivent plutôt se focaliser sur les aspects psychologiques. En tant que coach de club, c'est plus complet. J'ai entraîné 10 sélections et je trouve ça beau. Chaque match est d'une grande importance, il y a toujours de la pression. Mais je ne me vois pas comme un coach de sélection seulement". Tout comme il ne se voit pas comme un "globetrotter", terme qui l'agace. "Ces trois dernières années, je vis à Mol ! J'ai une fille de trois ans et je voulais ça. Ca m'a enrichi de voir le monde, mais je suis aussi quelqu'un du terroir. Les internationaux gambiens jouent majoritairement en Europe, je les vois jouer de chez moi. Oui, je suis vu comme un aventurier, mais c'était par concours de circonstances".
Car l'objectif n'a jamais été de percer à l'étranger. "J'ai entamé ma formation d'entraîneur dès mes 24 ans et j'espérais évidemment commencer en Belgique. Mais j'ai reçu ma chance à l'étranger, pas ici. Quand je vois qu'en Belgique, on nomme des gens qui ne parlent qu'espagnol...il est permis de se poser des questions sur leur communication avec les joueurs. Je parle couramment néerlandais, allemand, anglais et français. Les gens apprécient qu'on parle aux joueurs dans leur langue". Les clubs belges sont prévenus : Tom Saintfiet est prêt à recevoir sa chance, mais n'a pas sa langue en poche.
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