Interview François Horvath, formateur à Virton, déplore : "Guerres d'ego et folie financière ont eu raison du beau projet virtonais"
La confirmation par la CBAS du refus d'octroyer la licence pro à Virton est un choc pour le football luxembourgeois. Mais pas seulement : 26,4% de la superficie belge (provinces de Namur et Luxembourg) ne sera dorénavant plus représentée dans le football professionnel belge.
Une décision qui n’est cela dit pas le fruit du hasard. Nous nous sommes entretenus avec François Horvath pour connaître l’avis d’un fidèle formateur du club. Responsable des U8, des U10, des U15, puis des U16, François est par la suite devenu analyste-vidéo à l’Académie des jeunes, sous la responsabilité de Samuel Petit, le Responsable Technique de la Formation de Jeunes.
Être analyste-vidéo à Virton : bien plus qu’un simple rôle
Autant de fonctions qui lui permettent de partager d’entrée quelques succulentes anecdotes : « A Virton nous n’avons pas toujours les infrastructures dont disposent certains clubs pour filmer les matchs. A défaut de tribunes ou cabanon perchés en hauteur, nous louions une nacelle à bras télescopique. C’était marrant quand il faisait beau, mais par temps de pluie ou de vent il fallait s’accrocher. Je me rappelle un match des U21 sur le synthétique de Nothomb. C’était un lundi soir sous une drache carabinée avec des rafales de vent. Heureusement j’avais acheté en prévision un pantalon de pluie… de pêcheur ! Après 10 minutes, j’ai failli redescendre, tellement le vent était fort. Je suis passionné de foot mais je tiens quand même à ma femme et mes 3 enfants […] Quel joie d’entendre les 3 coups de sifflet finaux ! Cela m’a valu quelques railleries du staff et des joueurs. Ce fut peut-être mon bizutage pour obtenir le respect des U21 » préfère-t-il se souvenir.
La richesse de l’Académie virtonaise : du Phoenix Emond à la génération 2005 en passant par Castagne
Formateur depuis 2013 à l’Excel, François Horvath a filmé, analysé, conseillé, écouté, briefé et débriefé de nombreux jeunes dont certains pourraient avoir un bel avenir sportif : « Avec la génération 2003, nous avions terminé vice-champions et remporté le tournoi Raymond Goethals auquel participaient Anderlecht, Eupen, Charleroi, le Standard, etc. ». D’ailleurs, nous signale notre interlocuteur, « la génération 2005 est prometteuse, trois d’entre eux iront au Standard l’année prochaine ».
Rien d’étonnant finalement quand on voit les grands talents éclos dans cette Académie : on retiendra surtout Thomas Meunier, Timothy Castagne et Renaud Emond. « Notre Renaud Emond et sa mentalité exemplaire. Le Phoenix, souvent critiqué mais qui ne lâche jamais rien. Il s’est imposé partout où il est allé et peu importe la concurrence qu’on lui collait. Il est un exemple d’abnégation pour nos jeunes. Son abnégation donnait du poids à nos causeries d’avant-match et lors de nos debriefing vidéo ».
Les jeunes virtonais n’ont pas toujours tout gagné. Mais, finalement à l’image de Renaud Emond, ils emportent partout avec eux leur marque de fabrique ; une formation au jeu simple, offensif et méritant. C’est tout cela réuni qui a procuré plaisir et fierté à notre interlocuteur : « Mon meilleur souvenir ? Quand je voyais les U8 courir et s’amuser sur le terrain : le foot plaisir dans sa splendeur […] Pour donner un exemple, je me souviens d’un déplacement à Westerlo. Nous avions été battus les deux rencontres. Mais leur formateur m’avait dit : « J’aime bien jouer contre Virton parce que vous jouez au foot, vous construisez le jeu, sans jouer constamment défense ».
Une décision qui remettra tout en cause ? « J’en ai les larmes aux yeux et la boule au ventre »
Néanmoins, depuis la nouvelle concernant la licence pro et les terribles conséquences qu’elle pourrait entraîner pour le club, François craint pour l’avenir de tous ces jeunes : « C'est triste […] Que va devenir la formation des jeunes dans la province du Luxembourg notamment ? Le fossé se creuse et bientôt il sera trop tard […] Quel gâchis pour ces jeunes qui se sont tant investis ! L’exode massif des jeunes est en marche, même dans les plus petites catégories. Et finalement, que va devenir le football luxembourgeois ? J’en ai les larmes aux yeux et la boule au ventre en pensant à tout cela ».
Notre interlocuteur gaumais, qui a connu les deux directions et leurs pratiques, ne paraît néanmoins pas si étonné. « Les conditions d’obtention de la licence sont connues et il faut s’y tenir même si c’est contraignant ». Et François Horvath d'estimer que la sentence est irrévocable et qu’une nouvelle action en justice n’y changerait probablement rien.
Les raisons du refus de la licence : guerres d’ego, de pouvoir, folie financière, mais pas seulement…
Il tente dès lors d’expliquer un tel échec : « Pourquoi le dossier n’était-il pas prêt à temps ? Pourquoi a-t-il fallu plusieurs reports pour préparer ce dossier ? Je pense tout simplement qu’avec le départ de Mr Michel Georges (trop proche de notre ex-Président Mr Philippe Emond), la maîtrise des règlements a disparu. Les personnes en charge du dossier ne connaissent pas toutes les finesses de notre foot belge, si compliqué. Avec un tel verdict, il devait y avoir quelques manquements dans le dossier ! ».
L’analyste et formateur qui n’a pas encore pris sa décision pour la saison prochaine enchaîne : « Les valeurs familiales et humaines ont certes disparu avec l'arrivée du nouvel investisseur (départ de nombreux bénévoles qui sont les chevilles ouvrières du club), mais je rappellerai que sans la reprise du club par Mr Becca il y a 2 ans, le Royal Excelsior Virton n’existerait déjà plus ! En revanche ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi n’est-t-il pas parvenu à réaliser avec Virton ce qu’il a réussi avec Dudelange et maintenant Hesperange (qui remonte en BGL Ligue) ? En tant qu’homme d’affaires très occupé, Mr Becca était omniprésent à Dudelange. Mais à Virton, on ne l’a vu qu’une une seule fois à l’Académie. Il ne s’est jamais adressé publiquement à nous. Ce sont donc les personnes auxquelles il a confié la gestion du club qui ne se sont pas montrées compétentes ou à la hauteur ».
Finalement, conclut François Horvath, « ce sont les guerres d’ego et de pouvoir, ainsi que la folie financière dans la masse salariale qui ont eu raison du beau projet virtonais ».
Quid de l’avenir ?
« Et maintenant qui décide et qui fait quoi à Virton ? Ce qui faisait la force du club - l'Académie et ses valeurs humaines - risque de disparaître. C'est vraiment dramatique ». La question reste bien sûr ouverte, mais il est fort à parier que la vie à l’Exclesior Virton ne sera plus la même pendant un temps certain…
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