L'Alphabut : la lettre t comme télévision

Dirk Diederich
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L'Alphabut : la lettre t comme télévision
Photo: © SC

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L'alphabut de Dupk arrive à la lettre t qui n'est pas encore celle de terminus. Le t qu'il évoque est celui de la Télévision.

T comme Télévision

« La télévision n'exige du spectateur qu'un acte de courage, mais il est surhumain, c'est de l'éteindre ». (Pascal Bruckner)

La télévision, je l’évite comme les amanites phalloïdes. C’est un poison, une ciguë. L’optimiste dira que c’est pareillement une invitation à tous les iconoclasmes.

Pourtant, j’ai renoncé de longue date à invoquer le véto moral. A dénoncer la mainmise du pachyderme médiatique sur mon art préféré.  A cracher sur la FIFA lorsqu’elle avait vendu la réalisation et la retransmission des images des trois dernières coupes du monde à ISL, une filiale d’Adidas. A fusiller TF1 qui a monté l’affaire Anelka en épingle pour imposer artificiellement des prolongations au parcours avorté des Bleus en Afrique du Sud. Je m’en fous dorénavant. Cela m’indiffère à l’instar du déclin du snooker en Papouasie septentrionale.

Je m’en tamponne le cocotier de savoir que Ronaldo, malgré sa crise d’épilepsie deux heures avant la finale de 1998, ait été obligé par son équipementier à monter sur la pelouse du Stade de France pour que la dérisoire virgule apparaisse à foison sur les écrans de la petite lucarne.

Parce que je hais le football à la télé pour bien d’autres raisons. Voir un match à la télé est une torture. C’est pire que la soirée diapos que l’oncle Dédé vous inflige à son retour d’Euro Disney. Les Mickey Ballack, les Cristiano Donaldo, les Peter Pan Crouch, je les débecte en version plasmisée. Tassé dans un fauteuil, la canette sur l’accoudoir, les pieds déposés sur la table basse qui porte le saladier rempli de chips, c’est non merci. C’est le tableau tel que je l’imagine du Tchernobyl de la vieillesse où vieux crouton dans la soupe de ma vie désormais inutile, je me taperai les FC Alzheimer – Deportivo Senilitas entre deux piqûres de morphine que viendra m’infliger une infirmière moustachue.

Le football se respire dans un stade. C’est un plaisir de tous les sens. C’est l’espace grandeur nature. C’est mon écologie à moi. Ma Forêt Vierge Marie, ma Madonne aux seins de ballon bondissant, ma faune tropicale, mes tribus indigènes, mon Amazone sans culotte de cheval. C’est cent mètres sur cinquante dans ma visière immédiate pendant qu’un cérumen de chants en polyphonie se dépose dans mes oreilles. C’est des odeurs de houblon. C’est un éclairage qui s’approche de la lumière divine que dût voir Moïse en levant les yeux vers les cieux.

Mais le football vécu en direct depuis une tribune, c’est encore bien davantage que ça. C’est aussi le refus de subir la vision et le montage d’un réalisateur qui impose ses codes de télégénie, son rythme, son découpage, ses ralentis cassant la ligne limpide et claire du direct. C’est fuir les gros plans qui essaient de vous faire oublier qu’un match dure cent et cinq minutes. C’est esquiver les commentaires bavards et inutiles qu’en général on entend au stade quand on est en train de se vider la vessie aux pissotières. C’est rejeter une perception analytique des événements au profit d’une vision globale. La télévision ne s’intéresse qu’à l’individu, au joueur qui verse une larme de crocodile, qui exprime une joie, une insatisfaction, qui y va d’un crochet d’amuseur de cirque, qui lance un regard lourd de sens comme celui d’une marionnette de Guignol. Sur l’écran, pas de place pour la vision d’ensemble pourtant primordiale puisqu’il s’agit d’un jeu d’équipe. Les caméras suivent le ballon et les jeunes premiers qui lui courent après. Le reste ne suscite que l’indifférence des objectifs tellement subjectifs.

J’aime le stade et son électricité. Je vomis la télé et son câble de merde. Je jouis des vents frais, de l’humidité dans l’air. J’honnis la torpeur confinée qui enrobe les écrans de téloche. Je raffole des humours des bandes de supporters pour qui le 0,5 milligrammes dérisoires d’alcool dans le sang est signe de bigoterie fade et sèche. J’exècre les zapettes qui commandent un match comme on achète une pizza à domicile. La télé est un témesta qui éteint ma passion de footballophile.

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