Interview Felice Mazzu : "En Belgique, on manque cruellement d'audace"

Dirk Diederich
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Felice Mazzu : "En Belgique, on manque cruellement d'audace"
Photo: © SC

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Felice Mazzu est l'entraineur à succès du White Star. Son équipe arbitrera le duel pour le titre. Car elle affrontera dimanche Charleroi avant de se rendre le 4 mars au Kehrweg. Walfoot a rencontré ce Carolo pure souche pour une interview.

Felice Mazzu est un homme chaleureux. Latin, bon vivant, doté d'une bonne dose d'humour. Mais Mazzu cultive en même temps la rigueur et le sens tactique qu'il tente d'inculquer à ses joueurs. Pédagogue, puisqu'il est enseignant dans un Lycée de Charleroi, il a souvent le mot juste et la tchatche portée par l'ambition. Nous l'avons rencontré pour évoquer avec lui les prochains rendez-vous du White Star, mais aussi ses ambitions personnelles.

Walfoot : - Le White Star va affronter Charleroi, puis un peu plus tard Eupen. Peut-on affirmer que le White sera l'arbitre de la course au titre?

Felice Mazzu : J'espère que le White Star sera un arbitre de choix pour le titre. Cela voudrait dire qu'on aura pris des points contre une, voire contre ces deux formations.  Ce serait alors un incroyable exploit, non pas tant par rapport à ce que je pense de mes joueurs que par rapport à ce que pense le monde du football pour lequel les hiérarchies sont bien établies. Mais moi je crois dans mon groupe comme je crois a la mort. Tout est possible au football.

WF :  De Charleroi ou d'Eupen, quelle équipe crains-tu le plus?

F.M. : Je respecte ces deux equipes qui ont un passé en D1. Succint pour Eupen et considérable pour Charleroi. Mais je ne crains aucune de ces deux équipes car mon groupe est capable de se sublimer pour ce genre de match. De plus, il y a suffisamment de qualités chez mes joueurs que pour parvenir à forger un exploit.

WF :  Les nouvelles turbulences qui secouent le Sporting (problèmes de licence, le statut de Tibor Balog, l'arrivée de Chteline) peuvent-elles avoir une influence sur le match? Sont-ce des facteurs dont tu tiens compte?

F.M. : Je ne tiendrai pas compte de tous ces facteurs pour préparer mon match et certainement pas pour faire ma selection.

WF :  Entrainer un jour Charleroi, est-ce un rêve? Que représente le Sporting pour toi?

F.M. : Je dois être très attentif à la maniere dont je vais formuler ma reponse car certaines personnes pourraient croire que je quitterais le White Star pour le Sporting de Charleroi. Charleroi est le club où j ai passé toute mon enfance footballistique. J'y ai appris à jouer. J'y ai appris à souffrir. J'y ai appris à pleurer mais aussi à gagner. J'aurais bien voulu un jour fouler cette pelouse du Mambourg. Mais j'ai dû me contenter de suivre certains de mes potes de l'équipe première depuis la tribune. Car je n'avais malheureusement pas assez de qualités que pour être autre part que dans la tribune.  La seule fois où j'ai pu fouler cette pelouse, ce fut pour déblayer un jour le terrain recouvert de neige. 

Quant à la question de savoir si je rêve d'entrainer un jour Charleroi, la réponse est affirmative. Mais je rêve également d'aller au Standard, à Anderlecht ou ailleurs encore.  Il n'y a que le rêve qui nous permette d'avancer et d'avoir de l'ambition. Et comme j'ai beaucoup d'ambition, alors je ... rêve.

W.F. :  En Belgique, peu de directions de clubs de D1 osent faire confiance à des entraineurs qui n'ont pas de CV de joueur au plus haut niveau (José Riga est l'exception à la règle, comme Emilio Ferrera l'a été il y a quelques années). Comment expliquer ça? Alors qu'au Portugal, par exemple, les plus grands entraineurs (Mourinho, Villas-Boas, Jorge Jesus, Vitor Pereira) n'ont quasiment aucun pédigrée de joueur. Toi, tes qualités sont reconnues par les joueurs, par tes collègues entraineurs, par la presse, par tes résultats, par la qualité de jeu qu'affichent tes équipes, mais as-tu déjà été contacté par des eéquipes de D1?

F.M. : La Belgique est un pays de sédentaires, de conservateurs, de froussards. Oser ne fait pas partie du dictionnaire belge car le monde du foot belge ne pense qu'à une chose : se rassurer. Les dirigeants en Belgique se couvrent et se protègent en n'engageant que des anciens joueurs pro.

Lorsqu'un ancien joueur pro ne remplit pas l'objectif demandé par le club,  il est très facile de dire que toute la responsabilité repose sur l'entraineur et non pas sur les dirigeants puisque eux, ils ont engagé un pro. Par contre,  aller chercher un entraineur sans passé de joueur est plus difficile à gérer pour eux. Car si l'entraineur échoue, c'est le choix des dirigeants qui serait remis en cause.

D'abord se couvrir et ensuite agir, c'est ça le football belge. On retrouve cela avec l'équipe nationale. D'abord défendre, puis attaquer. Mais jamais oser. Alors, oui, il faut oser aller chercher Mazzu pour la D1. Mais quel dirigeant aura assez de c... que pour le contacter et lui donner sa chance?

Idem pour les jeunes en Belgique. On paie des milliers d'euros des joueurs étrangers qui ont un nom alors que le potentiel belge est pourtant bien présent. Dimanche passé, contre Boussu-Dour, qui aurait osé lancer un jeune de 17 ans à la mi-temps alors que l'équipe ne tournait pas. Moi je l'ai fait. J'ai donc osé. Avoir de l'ambition, c'est ça aussi. Mes propos peuvent paraitre prétentieux mais comme personne ne me fait signe alors je fais signe moi même...

Pour en revenir au Portugal, c'est un pays méditerranéen. La chaleur est présente tout comme l'ambition et le talent. Alors là-bas, les hautes spheres du foot ont certainement compris avant la Belgique qu'avoir joué au plus haut niveau ne veut pas specialement dire pouvoir entrainer au plus haut niveau.... Ce n'est pas parce que on est capable de faire une transversale à 4O mètres qu'on est capable d'enseigner comment la faire... Ce n'est pas parce qu'on mange des croquettes de morue pendant 40 ans qu'on est capable de les cuisiner. J'ai été contacté une seule fois par un dirigeant d'un grand club belge pas plus tard que l'année dernière. Mais le coup de fil n'a duré que 5 minutes et est resté sans suite, car je ne pouvais pas me déplacer le lendemain. 

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