Interview Entretien exclusif avec Michel Lecomte : "Mazzù ne pouvait pas refuser l'offre d'Anderlecht"

Entretien exclusif avec Michel Lecomte : "Mazzù ne pouvait pas refuser l'offre d'Anderlecht"

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L'ancien directeur des sports de la RTBF a posé un regard sur la dernière saison de Pro League et l'actualité du football belge. Rencontre avec un passionné.

Ancien présentateur de La Tribune, Studio 1 ou du Week-end Sportif, Michel Lecomte a pris sa retraite il y a un an et demi. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir un regard aiguisé sur la défunte saison du foot belge, qui a vu l'Union Saint-Gilloise surprendre tout le monde et réaliser un presque-exploit retentissant, mais aussi de nombreux clubs subir des changements importants. 

Walfoot : Une équipe comme l'Union qui monte de D1B et domine le championnat l'année d'après, c'est quelque chose qu'on avait plus vu depuis des années...

Michel Lecomte : "J'ai trouvé ça très rassurant. A un moment où tous les pronostics sont balayés, où personne n'avait jamais imaginé l'Union à cette place-là et où tous les spécialistes disaient : 'L'Union devra batailler pour se maintenir', et puis l'Union est allée presque jusqu'au bout. J'ai une frustration, parce que l'Union n'est pas allée jusqu'au bout, alors que collectivement et en termes d'équipe, c'est l'Union qui méritait. Bruges a gagné dans des circonstances qu'on connaît, avec le penalty raté de Vanzeir mais aussi grâce à un très très grand Mignolet. S'il n'y a pas Mignolet, je pense que Bruges ne termine pas en tête. Il a manqué presque rien à l'Union, et on dit que ces choses-là, elles n'arrivent que toutes les lunes. Un peu comme Leicester qui avait été champion d'Angleterre à l'époque, on ne peut pas imaginer que ça arrive encore prochainement. Il y a une statistique qui veut que ça reviendra, mais je ne le verrais pas, moi (rires). Ce que l'Union a fait, c'est simplement dommage que ça ne soit pas allé jusqu'au bout. Mais ce qu'ils ont fait, ça permet à une saison de nous proposer autre chose et qui va à l'encontre de tous les pronostics. C'est le sport, c'est l'une des réalités du sport : rien n'est jamais écrit d'avance. Sauf qu'au bout du compte, Bruges gagne. Or, Bruges a le plus gros budget - 90 millions d'euros - et celui de l'Union, il est de 11 millions. Donc on se dit que c'est tellement différent que ça ne peut pas arriver. Mais ça a failli arriver."

W. : Donc, pour vous, l'Union ne peut pas refaire ce qu'ils ont fait cette saison ? 

M.L. : "Non, ces choses-là ne peuvent pas arriver. Il y a trop de choses différentes. Enfin je dis ça, mais les chances étaient infimes qu'ils le fassent, et maintenant elles sont triplement infimes qu'ils le refassent. Mais un jour, ça reviendra. C'était arrivé chez nous avec le Lierse. Je me souviens qu'à cette époque-là à la RTBF, on avait encore la Champions League et on avait pas été gâtés parce que le Lierse avait pris un point. Mais maintenant avec ce qu'il va se passer en Champions League, ce sera sans doute mieux pour la Belgique. Il ne faut pas se voiler la face, c'est sans doute mieux que Bruges nous y représente."

W. : Justement, l'Union en Europe, qu'en pensez-vous ? 

M.L. : "C'aurait été sans doute plus difficile pour l'Union. Mais je dirais qu'en Europe avec Mazzù, j'aurais été plus confiant qu'avec Geraerts. Parce que c'est un jeune entraîneur qui n'a pas l'expérience de Mazzù, même si je pense qu'être dans son ombre l'aura fait grandir plus vite que dans d'autres circonstances. Il va devoir faire ses armes dans la succession de Felice, et avec la nécessité de quand même devoir tenir la distance au niveau européen. Donc ça va être compliqué pour Geraerts, avec une équipe qui va être remodelée et privée sans doute de quelques-uns de ses meilleurs éléments. Après, l'Union a prouvé qu'elle pouvait faire des choses intéressantes, et pas qu'au niveau sportif. Il va falloir prouver, pour les dirigeants, qu'ils peuvent tenir dans la distance. C'est ce qui reste le plus compliqué, parce que ça reste quand même un club où il faut encore travailler à beaucoup d'égards. Il vont s'entraîner à Lierre etc, il y a beaucoup de détails à régler encore. Ils sont venus de la D1B et là ils vont être en Coupe d'Europe." 

W. : A ce propos, Bart Verhaeghe, le président du Club, avait déclaré lors du titre qu'il avait plus eu l'impression d'avoir joué contre Brighton que contre l'Union. La réalité, elle, est tout autre ? 

M.L. : "C'est dommage, parce que ce jour-là je l'avais trouvé complètement dans l'empathie, en parlant de son club qu'il aime et en faisant passer des choses extrêmement positives. Sa déclaration sur 'L'Union c'est Brighton', c'est malheureux de dire ça. Si c'était Brighton, la valeur de base du budget aurait sans doute été plus importante. Maintenant, la valeur marchande des joueurs de l'Union a terriblement augmenté. Que vont faire les dirigeants de Brighton ? Qu'est-ce qu'ils vont décider de faire cette saison ? Ce sera intéressant s'ils peuvent donner un peu de moyens à Geraerts, qui j'espère aura retenu les meilleures leçons de la méthode Mazzù." 

W : Un parallèle qu'il y a à faire avec cette situation à l'Union, c'est la nomination d'Hoefkens, qui va faire sa première expérience en prenant les rênes d'un Club de Bruges qui sur-domine le championnat depuis 3 ans. 

M.L. : "Le choix de Bruges est certainement risqué. Mais je suis convaincu qu'ils ont tenu compte de son professionnalisme, de son statut qui n'est pas celui d'une star absolue, de celui qui a été un équipier modèle, qui s'est toujours mis au service de l'équipe. Il y aussi le fait qu'ils aient choisi un Belge, qui a l'ADN du club, donc ils ont évalué les plus et des moins à ce moment-là. Je dirais qu'Hoefkens et Geraerts, c'est deux gars qui n'ont pas non plus d'ego surdimensionné. Et je me souviens que quand on interrogeait Geraerts, c'était à la fois sincère et intelligent, ce qu'il disait.  Maintenant, gérer des hommes au quotidien dans le monde du football, où la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain...C'est un métier de fou, être entraîneur. Et chacun, dans les circonstances qui sont les siennes, Bruges champion et l'Union vice-champion, ils viennent chacun avec une grosse pression quand même, et aussi sur la scène européenne. Après, Hoefkens a appris avec Clement, et Clement a appris aussi un jour après Preud'homme. Et depuis, Clement n'a fait que monter en puissance, et quand il voit ce qu'il fait à Monaco, la montée en puissance continue. Il faut sans doute mieux faire ça que d'aller chercher un gars qui a écumé tous les clubs et de rejouer à nouveau une carte du passé. Je trouve que ce choix-là est beaucoup plus judicieux. Donc je suppose quand même que les clubs ont bien fait leur analyse, mais surtout du côté de Bruges parce que l'Union espérait que Mazzù allait rester."

W. : Une nouvelle qui a fait grand bruit ces derniers jours, c'est le départ de Kompany d'Anderlecht et dans la foulée l'arrivée de Mazzù. Vous comprenez ces décisions ? 

M.L. : "Kompany, c'est l'une des plus belles personnalités qui nous a été données de côtoyer dans le football belge. Comme joueur, maintenant, être entraîneur on sait qu'on monte échelon par échelon. Et il est arrivé à Anderlecht sur le plus beau des étages, dans un club avec une telle réputation et ses exigences de performance. On ne connait pas quelqu'un qui lors de sa première année de prise de fonction a été directement au firmament, on apprend. Il avait été forgé aux côtés de Guardiola dans quelque chose de particulier, mais il y a tellement d'éléments à gérer là-dedans, dans un club où la pression est énorme. J'ai souvent entendu dire que si ça n'avait pas été Kompany, il aurait quitté Anderlecht plus tôt. Ce qui a été décevant, ce sont ces play-offs, parce que là on croyait qu'il avait enfin trouvé la bonne formule, avec beaucoup de travail, de questionnements, de tentatives et d'essais. Mais ce n'est pas une science exacte. Les play-offs ayant été ce qu'ils ont été, les quatre défaites contre l'Union...Et il l'a reconnu, en disant : 'Ils sont plus forts', c'est presque dire : 'Mazzù est plus fort que moi'. Je n'ai aucun doute sur le fait que Vincent Kompany sera un jour un grand entraîneur, mais il faut encore un peu de temps. Et Mazzù, qui a fait son chemin dans le football amateur, qui a connu un échec très difficilement supportable à Genk où il a été un peu piraté de l'intérieur, il a une revanche à prendre maintenant. De toute façon, Mazzù, il n'a pas eu le choix. Parce que rester à l'Union, ça allait être une année difficile avec certitude. Il quitte l'Union au firmament de ce qu'elle peut faire, parce que maintenant, elle doit s'installer dans la durée, et il arrive à Anderlecht. Il ne pouvait pas refuser une offre comme celle-là. Il arrive avec son staff, il faut qu'il soit dans un bon entourage humain, et il va devoir appréhender bien d'autres paramètres que ceux qu'il maîtrisait à l'Union. Mais il en a totalement l'étoffe."

W. : Donc vous pensez que Mazzù peut réussir à Anderlecht, dans une formation où il faut tout recommencer de zéro ? 

M.L. : "Justement, peut-être que c'est une copie que Mazzù aime bien, reconstruire son échafaudage, sur base de son expérience, de toute sa connaissance. Il y a aussi des questions de contact humain, même si ce sera plus difficile d'établir cet esprit de groupe, de collectif, à Anderlecht. Je pense qu'il en est tout à fait capable. Maintenant, c'est un sport dans lequel il n'y a pas de vérité, un plus un n'égale pas toujours deux etc. Mais, s'il y en avait bien un à aller chercher, c'était lui."

W. : Cette saison, le Standard a connu beaucoup de difficultés au niveau sportif, mais également au point de vue de la relation avec les supporters. Vous comprenez l'incertitude des fans par rapport au récent rachat ? 

M.L. : "C'est évidemment compliqué de se dessiner un horizon après ce qu'ils ont vécu. Avec un actionnariat étranger, une gestion étrangère, même si Pierre Locht est un dirigeant de haut vol et qui a aussi pris de l'expérience. Mais il y a tellement de questions et d'inconnues que forcément ça apporte de l'incertitude. Pour l'instant, il n'y a pas grand-chose qui sort, mais sûrement derrière ça travaille. On ne vient pas reprendre un club comme le Standard pour le laisser végéter. En même temps, dans notre métier, on veut que tout sorte tout de suite. Laissons les gens travailler, mais en tout cas il y a beaucoup de travail. Ils ont quand même la chance d'avoir une très bonne académie, donc ils peuvent aussi se baser là-dessus." 

On ne vient pas reprendre un club comme le Standard pour le laisser végéter. 

W. : En parlant justement de foot wallon - vous êtes d'ailleurs fort impliqué à l'Arquet en région namuroise - on a vu que les clubs en Wallonie ont eu pas mal de difficultés, avec notamment Mouscron qui a déclaré la faillite. Un mot là-dessus ? 

M.L. : "Je suis très très triste pour Liège. Parce qu'on peut évoquer tous les règlements qu'on veut, mais le fait qu'un joueur qui est à deux mois près d'avoir 21 ans et qui n'ait pas joué ait des conséquences comme celles que Liège doit connaître et doit repartir dans un nouveau challenge...Il y a une vraie flamme qui est présente à Liège, il y a quelque chose dans ce club qui est bien plus fort qu'à Mouscron. C'est surtout dommage à Mouscron avec le Futurosport, avec 600 jeunes... Je pense aussi à une personne formidable qu'est Philippe Saint-Jean, un gars du cru et directeur de l'école technique. Après voilà, Mouscron ne reviendra pas, et il y a des gens qui se sont nourris sur la bête. C'est extrêmement triste, mais peut-être aussi qu'à un moment donné par rapport à la ville on a vu trop grand. Loin de moi l'idée de vouloir jeter la pierre, ça avait rendu la fierté à cette ville, il aurait fallu être un peu plus raisonnable. Dans les salaires etc, il y avait quelque chose qui n'était pas assez maîtrisé, même s'il y avait beaucoup de personnes de bonne volonté."

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