13 ans plus tard, Jonathan Legear se souvient encore de ce Belgique-Autriche : "Ce match aurait dû lancer ma carrière chez les Diables Rouges"
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C'était il y a déjà près de 13 ans. Le 12 octobre 2010, la Belgique accueillait l'Autriche au Stade Roi Baudouin en éliminatoires de l'Euro 2012. Au terme d'un scénario improbable, le match se terminera sur un spectaculaire mais douloureux 4-4.
Dans les rangs belges, un jeune joueur âgé de 23 ans avait impressionné pour sa première titularisation chez les Diables Rouges : Jonathan Legear. A l'époque pilier du RSC Anderlecht, l'ailier droit avait réalisé une très bonne prestation - délivrant même un assist en fin de match - mais n'avait pas pu empêcher le match nul, qui avait mis les Belges en grande difficulté pour la suite de leur campagne.
Entre souvenirs, confidences et révélations sur sa carrière, l'homme désormais âgé de 36 ans s'est livré à coeur ouvert pour Walfoot.
Walfoot : Parlons d’abord du contexte du match. Cette rencontre compte pour les éliminatoires de l’Euro 2012. Après deux défaites face à l’Allemagne et la Turquie, vous gagnez face au Kazakhstan. La Turquie a fait match nul face à l'Azerbaïdjan, c’est pour vous l’occasion de faire une bonne opération…
Jonathan Legear : "Oui, mais on a fait 4-4...C'était vraiment un match qui allait dans les deux sens. Ils ont égalisé un peu de nulle part, sur une sortie en deux temps de Logan (Bailly). Ca nous a mis en difficulté pour la suite..."
Te concernant, c'est un moment assez spécial, puisque Georges Leekens t'offre ta première titularisation chez les Diables...
"Ca me fait un peu penser à la situation de Mike Trésor, qui a mis un certain temps avant d'être sélectionné, après une saison à 24 assists et 8 buts. Et bien, j'étais un peu dans la même situation. J'étais très performant à Anderlecht, et j'ai dû attendre longtemps avant d'être sélectionné. C'est venu un peu tard, mais au moins j'ai eu la sélection que j'attendais."
En parlant des cas de Mike Trésor et Bryan Heynen, les responsables de Genk ont fait à un moment le forcing dans la presse pour qu'ils soient repris. Est-ce qu'à l'époque, les journaux réagissaient à tes non-sélections ?
"Je pense que dans le football moderne, les médias ont tout de même un peu de poids. Quand la presse répète plusieurs fois le nom d'un joueur et qu'on commence à en parler partout, c'est sûr qu'à ce moment-là, les entraîneurs font un peu plus attention pour leur sélection. Ils commencent à lui accorder un peu plus d'attention. On va dire que la presse donne un intérêt aux coaches à regarder ce joueur-là. Sans la presse, peut-être que le sélectionneur n'aurait pas pensé à lui. Certains joueurs sont sélectionnés très rapidement, alors que certains mettent un an et demi avant de l'être. Des fois, c'est incompréhensible. Me concernant, j'ai été recompensé, après tant de mois à être performant."
"Certains joueurs sont sélectionnés très rapidement, alors que certains mettent un an et demi avant de l'être. Des fois, c'est incompréhensible.
As-tu à un moment douté quant à tes chances d'être sélectionné ?
"Non. Je jouais quand même à Anderlecht, qui jouait toujours pour être champion et qui disputait la Coupe d'Europe chaque année. J'étais dans un grand Anderlecht, et c'était difficile à l'époque de se passer des joueurs d'une telle équipe. C'est comme le Club de Bruges maintenant."
Revenons au match : alors que la Belgique est menée 1-2, tu te lances dans un superbe solo qui déséquilibre toute la défense autrichienne. Le gardien autrichien fait un arrêt, mais le ballon est recentré et Fellaini égalise. Ensuite, à 2-3, tu as encore la lucidité, après près de 90 minutes de jeu, de remettre le ballon en retrait pour Ogunjimi. Ta titularisation, tu prouves clairement que tu la mérites..."Le fait de se faire remarquer en équipe nationale, c'est une satisfaction en plus. Quand t'es bon dans ton club, avec ton pays, que tu es considéré comme l'un des joueurs les plus talentueux et que tu prouves sur le terrain...C'est une vraie satisfaction, un plaisir."
"C'était vraiment un top match, avec beaucoup d'engagement et de rythme. Ca a été un match intense. Vraiment un des plus beaux de l'histoire récente des Diables Rouges."
Quand vous encaissez le 4-4, la déception doit être immense…
"C'est sûr. Parce que c'était dans un match important. Voilà, dans le football il faut apprendre à tourner la page. Mais la situation du 4-4 a vraiment été difficile à digérer parce que c'était un match capital."
La Belgique manquera finalement l’Euro 2012. Pourtant, on a senti, notamment suite à ce match et la défaite en clôture face à l’Allemagne, que l'intérêt pour les Diables Rouges était en train de renaître. Est-ce que tu penses que ce nul a en quelque sorte été fondateur de quelque chose de nouveau ?"Bien sûr. L'ambiance dans le stade était vraiment particulière. On a vraiment recommencé a voir de l'engouement. C'était comme une renaissance du football belge. Ca avait été très apprécié, beaucoup de supporters étaient venus. C'est un peu le moment où l'équipe nationale a renait de ses cendres. Les gens recommençaient à croire en cette équipe nationale."
"Ce match, c'était un peu comme la renaissance du football belge
D’ailleurs, beaucoup de futurs cadres de l’équipe nationale étaient déjà là : Vertonghen, Fellaini, Kompany, Witsel, Alderweireld, Hazard, Lukaku…
"Oui, oui. C'est la base de la fondation de cette équipe qui a fait de grandes choses. Comme je l'ai dit, c'était vraiment le renouveau de l'équipe nationale."
Est-ce que tu penses que le départ de Leekens - qui signe au Club de Bruges - était nécessaire à l’époque pour passer un palier ?
"Je pense que c'est difficile à dire. Parce que c'était une situation un peu particulière. Quand tu enchaînes 3-4 mauvais résultats en équipe nationale, tu sais bien que ton poste peut être remis en cause. Si au même moment, t'as le Club de Bruges qui te propose quelque chose, c'est difficile de refuser."
Pour toi, ce fut le dernier match chez les Diables Rouges. Tu nous expliquais il y a quelques semaines que tu regrettais certains choix de carrière “mal avisés”, comme celui de signer en Russie. Ce transfert à Grozny t’a un peu fermé les portes en équipe nationale. Est-ce que tu penses qu’à ce moment, si tu étais resté à Anderlecht ou si tu avais signé ailleurs, tu aurais pu s’inscrire dans la longueur chez les Diables ?
"Oui. J'en suis sûr à un million de pourcents. Si j'étais resté à Anderlecht, si j'avais signé en Angleterre ou ailleurs, je pense que j'aurais fait une grande carrière en équipe nationale. Du niveau Witsel etc, ça je ne dis pas. Mais j'aurais pu faire une carrière comme celle de Kevin Mirallas, par exemple, avec 40-50 sélections. Ca, j'en suis sûr et certain. Si j'avais pris (la bonne décision) à ce moment-clé de ma carrière, je pense que j'aurais pu approcher les 50 caps chez les Diables par après.
Après (pour partir), c'était un peu compliqué. Parce que j'étais un joueur important d'Anderlecht et qu'ils demandaient quand même beaucoup - 5 ou 6 millions d'euros. C'était compliqué de trouver un club qui pouvait mettre une telle somme, plus le salaire. Ca aurait peut-être pris un peu plus de temps, mais j'aurais dû prendre le temps nécessaire pour faire le bon choix. Après 9 ans, t'as envie de changement. Mais si c'était à refaire, je pense que je ne change pas.
Est-ce que tu considères que ce match que tu réalises contre l'Autriche aurait dû être la rampe de lancement vers une grande carrière chez les Diables ?
"Oui. Parce que juste après, j'ai eu un rendez-vous avec Everton. Ca ne s'est finalement pas fait, parce qu'(Anderlecht demandait) beaucoup d'argent et que j'avais déjà été blessé plusieurs fois. Je pense que ça a quand même joué sur la suite de ma carrière..."
"Juste après mon match contre l'Autriche, j'ai discuté avec Everton
Dernière question : que penses-tu de la nouvelle ère qui se déroule actuellement chez les Diables avec Tedesco ? Es-tu enthousiaste pour les années à venir ?
"Un sélectionneur a souvent ses choix à lui, les joueurs qu'il préfère. Mais Tedesco a fait des choix forts. Et ils seront payants. Des joueurs comme Onana et Openda vont exploser. Il travaille avec des jeunes, sur le long terme. Je pense vraiment que c'est une bonne chose.
Après, concernant Martinez, on n'a rien à lui dire. Je pense qu'il a fait le maximum. La Belgique a eu une très bonne génération. Mais des équipes du même niveau et avec les mêmes qualités que la Belgique, il y en a 10 à l'heure actuelle. Les gens disent qu'on aurait pu gagner une Coupe du monde, un Euro, et réaliser un petit miracle pour le pays qu'on est. Mais à un moment donné, ça se joue sur des détails. Quand tu vois des équipes comme la France, l'Allemagne, le Brésil, la Croatie, les Pays-Bas...
Tedesco, lui, il aura du temps. Et des bonnes choses, il va en faire, c'est sûr et certain."
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