Interview Frédéric Waseige présente la "Coupe de l'immonde", un livre essentiel avant Qatar 2022
Suis Walfoot dès à présent sur Instagram!
À quelques jours du début de la Coupe du Monde 2022, les éditions Kennes publient un livre co-écrit par Frédéric Waseige et le journaliste d'investigation français Philippe Auclair. Son titre : "Qatar : la Coupe de l'immonde ?". Tout un programme, que le journaliste de Voo Sports nous a détaillé.
Philippe Auclair est un mastodonte du journalisme européen, surtout sportif. Pesant plus de 160.000 abonnés sur Twitter, Auclair faisait exploser le monde du football en 2015 en participant à la révélation du fameux "FIFAGate", l'affaire de corruption ayant secoué le monde du foot et le "système Blatter". La même année sortait un livre du même nom en collaboration avec Éric Champel, livre que votre serviteur avait...gagné via un concours, organisé par Voo Sports à l'époque. Coup de bol et lecture édifiante, magistrale, nécessaire.
Genèse d'une collaboration
Hasard ou symbole : 7 ans plus tard, Frédéric Waseige, journaliste et consultant chez Voo Sports, sort à son tour un livre avec ce même Philippe Auclair, intitulé "Qatar : la Coupe de l'immonde ?". Et il en revient à peine lui-même. "Philippe, c'est devenu un pote, de fil en aiguille. On se croisait dans les stades anglais et on discutait, entre francophones. On s'appréciait, et un jour il m'a proposé de participer à un podcast avec lui et Julien Cazarre", nous explique Fred Waseige. "Puis, à partir de 2010 et l'attribution du Mondial, lui est devenu journaliste d'investigation à temps plein. Il est venu chez moi à Liège et moi chez lui à Londres. Moi, j'avais cette idée de livre, mais j'avais un peu abandonné, jusqu'à ce qu'il revienne chez moi récemment et me pousse à reprendre le travail".
Qu'un international belge comme Thomas Meunier, qui ira au Qatar, participe au livre signifie beaucoup
Auclair convaincra alors son ami de le faire, ce livre. Le format : une introduction signée Waseige et résumant très bien comment le Qatar a obtenu (comprendre : acheté) sa Coupe du Monde, les répercussions du FIFAGate, une vingtaine de pages d'état des lieux utile. Puis, 40 intervenants, réunis entre le monde du football belge que connaît bien le fils de Robert, et des pointures de la géopolitique, du journalisme d'investigation, du football international, dont plusieurs amenés par Philippe Auclair. Côté belge, des noms connus. Philippe Albert, hasard de l'ordre alphabétique, ouvre le livre, mettant le lecteur dans une zone de confort. "Chaque intervenant me tient à coeur, je ne peux pas en mettre un en exergue plus qu'un autre. Mais par exemple, qu'un international qui ira à la Coupe du Monde, Thomas Meunier, ait accepté de participer signifie beaucoup", pointe Frédéric Waseige.
"Je suis aussi très fier de la participation de plusieurs femmes à ce livre, dont Janice Cayman, Christine Schréder, Rosie Garthwaite qui a travaillé au Qatar des années sur la condition des migrants, Bonita Mersiades qui travaillait sur la candidature de l'Australie à la Coupe du Monde 2022 et a un courage énorme". Chaque intervenant doit répondre à trois questions, posées dans l'introduction : 1. Peut-on justifier d'avoir donné la Coupe du Monde au Qatar ? 2. Doit-on y aller, ne pas y aller, en parler, ne pas en parler ? 3. Quelles sont les leçons que le football et le sport en général peuvent et doivent tirer de la controverse liée à cette attribution ? Les réponses sont parfois longues, parfois courtes. Parfois émotionnelles, comme un Bouli Lanners lançant un cri de rage. "C'est du Bouli comme on le connaît, à fleur de peau, et c'est pour ça que c'était intéressant", sourit le co-auteur. Le célèbre réalisateur primé aux Magrittes est l'un des rares à crier au boycott.
La Coupe du Monde au Qatar rassemble tout ce qui est dégueulasse dans ce monde
Car les autres intervenants, parfois, offrent des analyses bien plus nuancées que ce à quoi on est habitués. Des intervenants comme Pascal Boniface (directeur de l'IRIS, Institut de relations internationales et stratégiques, et spécialiste du Moyen-Orient), ou James Dorsey, grand reporter américain plusieurs fois nominé au Pulitzer, élèvent le débat, prennent une distance nécessaire. L'importance du titre du livre, "La Coupe de l'immonde ?", est dans le point d'interrogation : ici, on débat. "C'est mon but, car moi, je n'ai pas la réponse à toutes les questions que je me pose concernant la Coupe du Monde au Qatar. J'ai mon avis, mais je n'ai pas les compétences géopolitiques, stratégiques, écologiques. Qui suis-je pour le prétendre ?", souligne Frédéric Waseige. "Comme lorsque je commente, je suis là pour accompagner celui qui m'écoute, ou me lit. On avance ensemble. Je pose ces questions à des gars calés dans leur domaine, et j'apprends de leurs réponses, comme le lecteur, j'espère".
Ca n'empêche pas Fred Waseige, figure bien connue de nos médias sportifs, d'avoir son opinion, bien sûr. "La Coupe du Monde au Qatar représente tout ce qui est dégueulasse dans ce monde. Bien sûr, il y a eu de la corruption en Europe aussi, pour l'attribution du Mondial à l'Allemagne en 2006, par exemple", reconnaît-il. "Il y a eu des aberrations écologiques, et en 2026, c'en sera une aussi avec ces longs déplacements sur le continent nord-américain. On a organisé des Coupes du Monde dans des pays où les Droits de l'homme et de la femme n'étaient pas respectés. Mais le Qatar réunit tout, et à un moment où ça ne passe plus. Le Qatar permet une catharsis".
Cette collaboration avec Philippe Auclair offre un panel très intéressant de réponses à des questions qu'il est sain de continuer à se poser, même - surtout - alors que le football va reprendre ses droits dimanche prochain. "C'est tout de même la première fois qu'on parle plus de l'extrasportif que du sportif alors que le premier match approche. Le Qatar espérait que ça se calme, et ça n'est pas le cas", estime Waseige. "Maintenant, oui, je m'enthousiasmerai devant les matchs. Parce qu'on ne doit pas laisser ces salopards voler le foot et ses émotions. Ces joueurs vivent ça une fois dans leur vie, pour certains. Il faudra vivre l'instant, sans oublier ce qu'il y a autour". Et espérer que cela change à l'avenir. "Je crois que nous vivons un moment clef dans l'histoire du sport, et que tout pourrait changer", espère encore notre interlocuteur. Qui se voit encore travailler avec son ami Philippe Auclair à l'avenir. "Je vis tout à l'instant présent, je n'ai aucune ambition en termes de carrière. Mais oui, je crois que c'est le point de départ de quelque chose et que nous retravaillerons ensemble".
Inscrivez-vous maintenant à la newsletter de Walfoot