Interview Un Belge veut relever le CS Pandurii : Jean-Willy Ngoma, directeur sportif à 30 ans
Le CS Pandurii disputait, il y a quelques années de cela à peine, la Coupe d'Europe ; il végète aujourd'hui en D2 roumaine. Et c'est un Belge qui a relevé le difficile challenge de lui redonner son éclat : Jean-Willy Ngoma.
Il a pourtant l'âge où un joueur de football est au pic de sa forme, mais Jean-Willy Ngoma (30 ans) n'est plus joueur depuis près de 10 ans. "Pour moi, le football s'est arrêté en Promotion, à Walhain. Bien sûr, tout jeune joueur rêve d'être pro, mais j'ai vite compris que ce n'était pas pour moi ... ce qui m'a permis de penser très jeune à ma reconversion", nous explique-t-il. "J'ai alors entamé une carrière d'agent, mais après un certain temps dans ce milieu, je cherchais un nouveau défi".
Ce nouveau défi, c'est le CS Pandurii, basé dans la petite ville roumaine de Targu Jiu. Un club de D2 roumaine dont Ngoma se retrouve directeur sportif. "Ce sont eux qui m'ont contacté avec un projet très intéressant : redonner à ce club historique son éclat". Pandurii disputait en effet l'Europa League en 2013, au lendemain d'une place de vice-champion de Roumanie, et accédait directement aux poules. Sept ans plus tard, le club se morfond en D2 et était dans la zone rouge au moment de l'arrêt des championnats ...
"Le club dispose d'installations extraordinaires"
Jean-Willy Ngoma ne s'en cache pas : "Même si la situation liée au coronavirus est très grave sur le plan sanitaire et qu'on peut difficilement s'en réjouir, le gel du championnat devrait nous permettre de nous maintenir. Car la D2 est pro et les conditions pour y accéder sont strictes ; au vu des circonstances, je ne pense pas que ce serait bon pour les clubs de D3 de monter", estime-t-il. "Et notre club ne pouvait clairement pas se permettre une nouvelle descente".
Car le CS Pandurii dispose d'infrastructures n'ayant rien à faire en D2 : "Sans exagérer, nous sommes dans le top 5 roumain à ce niveau. Il y a des structures incroyables, le stade est flambant neuf (inauguré en octobre 2019 et d'une valeur de 28.000.000 d'euros, nda), avec un hôtel de luxe dans l'enceinte".
Comment un tel club a-t-il pu dégringoler de cette façon ? "Je pense qu'on peut parler de mauvaise gestion financière. Il y a peu de règlementations en Roumanie", regrette Ngoma. "La plupart des clubs sont gérés de manière fort personnelle, avec un président à l'image très forte, souvent un Roumain, à l'image de Gigi Becali (Steaua Bucarest, nda). Gheorghe Hagi a également son club, où il est propriétaire, entraîneur, directeur sportif ...", pointe notre interlocuteur. Si dans les deux cas cités, la gestion est bonne en parallèle, il y a parfois des ratés ...
Le public présent malgré les lourdes défaites
"Il y a eu de gros trous dans le budget après la campagne européenne, les départs de plusieurs stars. Maintenant, il y a un projet stable, avec du potentiel ; le maire soutient le club, la ville également. Le public est là aussi : alors que cette saison a été horrible, disons-le, avec des défaites en prenant 4 buts à domicile, il y avait 5000-6000 personnes au stade", raconte Ngoma. "J'hallucinais".
Reste désormais à assumer ces responsabilités et les attentes placées en lui. "Je n'ai pas peur de le dire, arriver en tant qu'homme de couleur en Roumanie s'accompagne de clichés : on ne voit pas ce pays comme très tolérant. Mais je ressens une confiance absolue de la part de mes dirigeants et plutôt de la curiosité de la part des supporters : ils veulent voir ce qu'on a dans le ventre", explique le directeur sportif du CS Pandurii. "Ils ne sont pas forcément dans une position où ils peuvent refuser une quelconque aide extérieure".
Le Belgo-Congolais a un projet : lancer de jeunes talents africains à Pandurii, mais aussi remettre l'accent sur la formation roumaine. "Le footballeur roumain a énormément de talent, il faut juste parfois que la mentalité et la volonté de travailler suivent ! Ce club est connu pour former des jeunes joueurs, et nous avons de grandes villes à proximité, un vrai vivier", affirme Jean-Willy Ngoma. "Il faudra profiter de nos infrastructures de haut niveau pour offrir un projet à ces jeunes, je tiens à le leur proposer personnellement, à les rencontrer. Je ne suis pas ici pour vendre du rêve aux gens, je sais qu'il y a du travail et que tout ne se fera pas en un jour".
Un modèle : Dimitri De Condé
La gestion du club devra être transparente : "Tous les agents avec lesquels nous travaillerons devront être enregistrés auprès de la fédération roumaine. Je connais le milieu des agents et je saurai donc éviter quelques pièges. Même si aucun club ne refuse une bonne affaire, soyons lucides", précise Ngoma. "On sera ouverts ... tout en étant fermés (sourire)".
Avec un modèle en tête : "J'aime beaucoup la manière dont travaille Dimitri De Condé (Racing Genk) en Belgique. Très simple, sobre, discret. Il a un excellent contact avec les joueurs africains. Avec Genk, il allie deux choses : sortir des talents, obtenir des résultats avec eux puis les revendre au bon moment, plutôt que les garder une saison de trop. C'est le plus difficile : un été, un joueur faudra 10 millions, le suivant peut-être 4 !".
"De Condé et Vincent Mannaert sont pour moi la crème de la crème en Belgique. Ce que Bruges réalise n'est pas plus facile parce qu'ils ont des moyens élevés : si vous mettez beaucoup d'argent sur un joueur, vous prenez plus de pression sur vos épaules car des résultats sont attendus", pointe Ngoma. Enfin, les méthodes de ces managers impressionnent le jeune directeur sportif : "Ils n'hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis : s'il faut se déplacer dans les Balkans, ou au Sénégal comme pour la signature de Diatta, ils le font. Peu donnent ainsi de leur personne". Un défi que va devoir relever à son tour Jean-Willy Ngoma en Roumanie ...
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