Vista local : Un samedi brésilien

Olivier Baute
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Vista local : Un samedi brésilien
Photo: © SC

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Bernard Bourgeois, Belge vivant au Brésil, nous fait parvenir l'atmosphère présente parmi la population. Il résume ce dimanche les trois matches de la veille vus par les supporters et la presse carioca.

Une polemique naît, au Brésil, sur le manque d'enthousiasme de la classe moyenne qui assiste dans les stades aux différents matchs, et, surtout, aux matchs du Brésil. Cette absence de vibration est considéré par certains journalistes et éditorialistes comme une sorte de trahison "devant l'ennemi".

Personnellement, je pense qu'il faut relativiser. Effectivement, il y a peu de manifestations ou célébrations, comme on le dit ici, mais c'est le cas pour tous les matchs. Le seul feu d'artifices qui a été lancé dans mon village, l'a été par des Chiliens à la mi-temps de leur second match.

Mais, il y a de l'allégresse lors de ce tournoi riche de surprises et de buts. Et la participation des supporters brésiliens aux autres jeux est intéressante. Le peuple prend fait et cause par une ou les deux équipes, se mêle et se mélange aux supporters des pays concernés.

Les gens voudraient vivre un moment festif et inoubliable. Mais je crois que ces amateurs sont déroutés par les conditions du match : ils ne peuvent pas chanter de petites ritournelles pour les crack, ils ne peuvent pas danser parce que la musique leur est inconnue et il n'y a pratiquement pas de tamtam. De plus, ils découvrent, pour la plupart, des tactiques et des positionnements de joueurs européens qu'ils ne connaissent pas et ne comprennent pas. Difficile pour eux de vibrer dans ces conditions.

Mais cette allégresse est croissante, à l'image des unes de Lance!, de plus en plus sarcastiques. Ainsi, après la pénible victoire de l'Argentine contre la faible Bosnie, lors de son premier match, le journal titra en première page : Seulement cela ? L'élimination de l'Espagne est célébrée par un grand "Oleeeeeeeee" qui traverse toute la page et la défaite de l'Angleterre par un lapidaire "Bye Bye ?"

J'ai pris la décision de commenter les trois matches de ce jour en relatant les avis et réactions des journalistes et consultants de la télévision ainsi que du public présent au match.


Iran 0 x 1 Argentine

L'Argentine est l'ennemi public numéro 1, quasi héréditaire. Ce petit match, mais qui présent l'idole Messi sera disputé devant des familles en fête au Minerão ; il a viré à la tragédie grecque. Surpris par la faiblesse, indigne de leur réputation, des Argentins, le peuple brésilien a découvert ses héros dans la brillante résistance iranienne. Il a commencé à croire en l'exploit ainsi qu' au rêve et le match, ennuyeux et moche pour un européen, est devenu stressant, un stress qui a grandi au fil des minutes, de façon inversement proportionnel au ravissant désespoir argentin. Scandaleux ce pénalty, - bien réel - oublié par un arbitre australien en faveur de l'Iran...

Il atteint au paroxysme quelques secondes avant la chute : désespoir total lors du goal de Messi... Le peuple a vibré. Les supporters argentins de ma ville n'ont rien fêté, - mais alors là, rien ! - tant ils paraissent honteux de ce match et qu'ils éprouvent le besoin de décompresser.

Voici les commentaires, au fil du temps, de mon ami Raul Sylvestre, ancien journaliste politique de la régie Globo. Ils sont extraits de sa page Facebook.

• Pénalty non sifflé contre l'Argentine.

• La défense de l'Argentine éprouve bien des difficultés.

• Messi est arrivé au Minerão pour jouer pour l'Argentine, au moins la seconde mi-temps.

• Des argentins de la ville sont désespérés sur la grand place. Des suicides sont déjà enregistrés par les gardes municipaux.

• Même avec l'aide de l'arbitre, les Argentins ne parviennent pas à inscrire un goal.

• Messi négocie son salaire pour continuer de jouer avec l'Argentine ou retourne immédiatement à Barcelone,

• L'Argentine gagne contre l'Iran avec l'aide de l'arbitre.

• Messi confirma le salaire et donna la victoire à l'Argentine à la 46ème minute de la seconde mi-temps.

Les supporters ont pris fait et cause pour l'Iran en cours de match et ce pays a acquis en 90 minutes une belle renommée au Brésil.

"Très curieuse sélection que le groupe réunit par l'entraineur. Pourquoi avoir laissé tant de bons joueurs au pays ? ( les craks Conca, symbole vivant du Fluminense et Montillo, ex Cruzeiro, 3 fois de suite meilleur joueur du championnat brésilien, ne sont pas sélectionnés)".


Allemagne 2 x 2 Ghana

Ricardo Rocha, ancien international brésilien et consultant qualifié s'exprime ainsi après vingt minutes : "C'est un vrai choc culturel. Ce match est fermé, il n'y pas d'espace, pas de vitesse, pas d'infiltration, que des petites passes. Après 20 minutes, les supporters brésiliens auraient déjà sifflé les joueurs, hué leur équipe, fait des récriminations à l'entraineur ou commencé à quitter le terrain.

Pourtant je suis certain que pour les européens, c'est un beau match. Mais ce n'est pas le football tel qu'on nous le concevons".

En début de seconde mi-temps : " C'est l'entraineur Löw qui perd le match pour l'équipe d'Allemagne, pas les joueurs. Il aligne des défenseurs comme médians, des médians comme attaquants et des arrières-centraux comme latéraux. Qu'est-ce que c'est que cela pour un entraineur ? Où est le respect du joueur ? Où est le respect du métier ? Il n'arrivera à rien comme cela sinon donner confiance au Ghana".

Lors de l'entrée de Klose : "L'entraineur allemand a enfin compris, il va jouer avec un vrai centre-avant au centre-avant et un vrai médian créatif à la place de médian créatif. L'équipe va pouvoir égaliser !". Deux minutes après, Klose égalise. Pas de forfanterie cependant, un seul mot : "quel gâchis ! Pourquoi avoir laissé les bons joueurs sur le banc ?"

Les commentateurs et journalistes parleront beaucoup des danses des joueurs du Ghana à leur arrivée, "une équipe qui a le sens de la grande fête qu'est une Coupe du Monde au Brésil" puis de la célébration des buts par les joueurs ghanéens, dont les danses rappellent notre pays. Ils insistent sur "la célébration inhabituelle" du goal de et par Klose, qui égalise le record de Ronaldo et marque le 80ème but de la Coupe du Monde 2014". Ils se focalisent sur le fait de savoir si Klose va réussir à le dépasser, Des émissions spéciales suivront relatant les buts des deux records. Le titre du match sera :"Klose égale Ronaldo", le score passant au second plan.

Les spectateurs neutres ont pris fait et cause pour les ghanéens et leurs supporters si sympathiques. En seconde mi-temps, ils ont chanté pour les Ghanéens.

A la fin du match, les professionnels ont cependant vibré et s'émerveilleront de la souplesse avec laquelle les joueurs allemands passent d'une tactique et d'une position à une autre, en respectant les consignes de leur coach. Mais ils désapprouveront le geste de mauvaise humeur de ce dernier lorsqu'il renverra du pied un ballon dans le jeu.

La Libre Belgique titre, elle, : "Un match magnifique".



Bosnie 0 x 1 Nigeria

Que dire ? Des marches qui n'ont rien de militaire, des joueurs à l'arrêt, des fautes et pas seulement techniques, un juge de ligne néo-zélandais absent... du football belge, il me semble. Rien de plus. Les supporters et les commentateurs ont tenté de s'enflammer pour le toucher de balle et quelques tirs sporadiques des nigérians. Ils ont mis en évidence la désorganisation totale de la Bosnie, sans ligne de conduite, sans collectif, sans fond de jeu, misant tout sur un exploit individuel. Ils ont été conquis par la prestation de Yobo, souverain dans cette confusion. Et comme tout le stade, ont vibré deux secondes : les dernières, quand la balle bosniaque a touché le
poteau. La Bosnie est éliminée et dire que le Nigéria peut encore se qualifier...

En conclusion, ce jour, qui promettait peu, m'a proposé deux matchs palpitants, le premier que j'ai vécu comme supporter du Brésil et le second que j'ai vécu comme européen. Il me semble qu'il a apporté de la fierté à la communauté noire brésilienne. Il a cassé, de manière inattendue, l'image négative de l'Iran. Il a rappelé qu'un match ne se gagne pas sans métier, sans enthousiasme, sans collectif et sans être, sans cesse, en mouvement.

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