Bernard Bourgeois "Mon premier match de Coupe du Monde"
Photo: © SC
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Notre ambassadeur du Brésil était un spectateur attentif du match ... Belgique-Algérie. Il assistait à son premier match de phase finale de Coupe du Monde et nous conte cette merveilleuse épopée.
Je rêvais du Maracana mais j'ai choisi la Belgique contre l'Algérie. 26 heures de voyage aller- retour pour une grande aventure. Je suis parti le cœur en fête. Je suis revenu la tète endeuillée, réconforté par les compliments que les gens de Belo-Horizonte m'ont fait des belges, hors le terrain, à l'exception de leur hygiène.
A 8 heures du matin, je mets mon sac photo sans appareil mais avec quelques vêtements de rechange au dos. Tennis et jeans sont nécessaires pour l'air conditionné de l'autocar mais insupportable dans l'autobus qui me conduit à la gare routière de la ville voisine. Je démarre mon périple à pied. L'autobus est à l'arrêt, à son terminus, somnolant sous le soleil. Il est vide, portes ouvertes, clé sur le tableau de bord et caisse du percepteur accessible. Le Brésil peut être doux ! 70 minutes pour faire les 25 kilomètres et tous les quartiers populaires entre notre cité balnéaire et la ville proche.
L'anglais et les Brésiliens, c'est encore plus pénible que le néerlandais et les Wallons.
A la gare routière, j'attends 30 minutes l'autocar pour Belo- Horizonte et les 10 heures de trajet. Il arrive, je m'installe. Siège numéro 8. Mon préféré. Je vais vivre la traversée ardue et épique de la Montagne Verte. Un jeune Anglais chiffonné et pas très frais demande au conducteur le code WIFI pour internet. Le chauffeur répond 1,2,3,4 en portugais. L'Anglais péniblement tape à haute voix : one, two, three et se plante. Four, lui dit le chauffeur... Puis revient au portugais pour annoncer les arrêts. L'anglais et les Brésiliens, c'est encore plus pénible que le néerlandais et les Wallons. Evidemment, pour la suite, cela aurait pu être 1 2 3 piano... Fibonacci et Conway ne semblent pas très connus (non, ce ne sont pas des arrières latéraux).
A la gare routière de Belo Horizonte, il y a de l'animation, mais sans effervescence. Seul, un supporter belge s'énerve sur un chauffeur de taxi qui ne parvient pas à caser tous les objets de son client. En cause, la citerne de GNV dans le coffre de sa petite voiture blanche. En réaction, tous les chauffeurs démarreront bien lentement. Je prends mon taxi et on sourit de l'incident avec Hilton, le chauffeur. Il me dit que les Européens sont bien sympathiques, qu'il n'y a pas de manifestations et que oui, il y a bien eu de gros travaux. Je vais dormir chez des amis. En arrivant, je vérifie soigneusement que mon billet est bien plan, car ce sont les instructions insistantes de la FIFA. J'irai au Mineirâo en autobus. Je traverserai avec nostalgie toute la ville qui a accompagné ma naissance brésilienne Il y a une nouvelle ligne directe, la 5106 et je partirai à 10 heures du matin pour arriver vers 11 heures.
Mardi matin, Ana décide de me conduire à l'arrêt, difficilement accessible à pied. Je met des tennis, un bermuda et je décide de plier mon ticket bien soigneusement en deux pour le protéger dans une poche. Nous sommes trois dans le bus, simples Brésiliens. Mais près du centre, les supporters animés et joyeux, s'entassent, Il y a des maillots de tous les pays : Brésil, Argentine, Belgique, Algérie, .. des enfants, quelques bières et beaucoup de bonnes humeurs. Les pauvres travailleurs brésiliens sont comprimés et se demandent ce qui se passe.
En rue, beaucoup de drapeaux brésiliens, de vareuses brésiliennes. à 16 heures, le Brésil joue. Pour éviter les bouchons, certaines personnes sont déjà de retour du travail et Pampulha, le quartier où se trouve le Mineirão est populaire. A tous les carrefours, la police militaire veille.
Il y en a beaucoup à Savassi, centre de rencontres et de sorties, où des bataillons convergent, en cas de manifestation contre la Coupe du Monde - les organisateurs ne fustigent plus les travaux non faits puisque tous les étrangers félicitent ceux-ci mais sur le fait qu'ils ne seront pas finalisés -. Il y a quelques temps, une manifestation d'étudiants et d'enseignants a démoli la grande bibliothèque publique, chef d'œuvres d'Oscar Niemeyer : leur revendication : plus d'argent pour l ́éducation. Le Préfet a acquiescé et ajouté qu'il servira a reconstruire la bibliothèque et les collections... Sur l'avenue principale, les VIP s'engouffrent en passant de leur hôtel dans les cars qui vont les conduire au stade. Lors d'un arrêt, deux policiers militaires fouillent un jeune Brésilien. Délit typique de sale gueule. Mais par 27 degrés, avoir froid n'est pas un bon signe. Dans son sac à dos, un agent sort avec précaution un joli colis cadeau du Boticario. La suite sera plus douce. J'ai mal au cœur et suis content de voir qu'il s'en va tranquille, bien que cela lui paraisse l'ordinaire.
Gag sur l'avenue Antonio Carlos, des supporters aux couleurs de l'Algérie remarquent un groupe de manifestants, mais la plupart avec les couleurs du Brésil, pensent que ce sont des supporters en route pour le stade et descendent précipitamment. J'ai le temps d'avertir quelques supporters belges et brésiliens que l'on est encore loin du stade... mais pas les Algériens. Comme je suis bien informé de ce qui s'est passé en Suisse, je reste très prudent. Le bus poursuit sa route. Une heure dix après son départ, nous arrivont. La vue est magique. Tous les supporters étrangers sont surpris en arrivant à Pampulha : un endroit magnifique, avec son lac, une vieille église, des promenades et pas de stade. Il est bien lá, discret, sur les hauteurs. On s'y rend à pied.
De larges allées, pas de voitures, des stewards qui renseignent aimablement en portugais ; on marche en groupe, on suite des indications claires, lisibles de loin. Une jolie et gentille fonctionnaire me conseille de bien protéger mon ticket parce que des étrangers sont à l'affût pour me le voler... A tout moment, les gens s'arrêtent, pour croiser des photos avec des supporters d'autres pays et la file stoppe, amusée. Il y a des Japonais, des Américains du Nord, des Brésiliens, des Français, des Belges, des Danois, des Coréens, bien d'autres... Des supporters aux couleurs de la Belgique et de l'Algérie posent ensemble, emmitouflés dans les drapeaux.
Les enfants sont en adoration devant les déguisement et posent fièrement pour des photos. Au coin de l'avenue, là où on prend à gauche vers l'entrée principale du stade, un détachement de la police militaire à cheval, décontracté, à pied, les chevaux broutent l'herbe du terre-plein. Quelques aubettes vendent des canettes de la bière officielle ou de l'eau glacée. La bière est pour rien et l'eau est chère. J'achète une bouteille d'eau que je bois avant d'arriver au stade, ne sachant pas trop bien si je pourrais entrer avec elle. Premier contrôle de la Police Militaire (gendarmerie) : seulement le ticket.
Tout en haut, le Mineirâo, simple mais élégante structure de béton, cathédrale et fierté du peuple de Belo-Horizonte, détache ses arcs sur le ciel bleu... Quelques stands des vendeurs du temple sur son immense esplanade ne parviennent pas à le défigurer. On passe de nouveaux contrôles de la Police Militaire et des steward avec fluidité et sourire J'en ai compté six, au total. Chacun tente d'accélérer le mouvement. Les policiers sont bien instruits et vérifient surtout l'hologramme, très difficile à cloner.
Une seule entrée et deux larges portes meublées de portiques de sécurité. La foule se masse. Cela se gâte. Une volontaire, avec une grande main bleue qui indique où commence lafile, me dit que c'est complètement désorganisé, mais de prendre à gauche et de longer la balustrade. Je passerai plus vite. Je suis le conseil quand une autre steward me fait signe : vu mon apparent grand âge - surtout les yeux bleus -, elle me fait passer par le portique réservé aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux handicapés, aux personnes avec un enfant dans les bras. Un supporter belge proteste. Je lui explique que "l'atedeminto preferencial" est une règle absolue au Brésil. Je n'ai pas le courage de protester et j'accepte de passer ce contrôle de sécurité préférentiel.
Patatras ! Pas assez de paniers de plastique (j'en compte trois dans notre file) pour un contrôle digne d'un aéroport américain un 12 septembre. Et les Brésiliens qui n'ont jamais pris l'avion ne savent pas quoi faire... Telle est donc l'origine de la désorganisation. Je fais signe à l'agent qu'il y a un panier blanc libre. Les autres fonctionnaires bavardent et rient sous le soleil. Il va le chercher et je m'insère entre un supporter aux couleur de l'Algérie qui ne veut pas bouger sa ceinture et un Brésilien qui ne veut pas que l'on touche à sa monnaie. Je lui montre mon portefeuille, lui tape l'épaule et, enfin, il confie quelques pièces à un agent de sécurité, sans le quitter des yeux. Je passe sans problèmes. Me rhabille et me retrouve sur le parvis inondé de soleil, quasi seul. Il est midi moins dix.
Je décide de faire le tour du Mineirão, transformé il y a déjà deux ans. Le parachèvement est chouette mais les aires de piquenique et les jeux pour les enfants ont disparu. Cependant, les manèges ne sont pas loin et il y a de nouvelles aires de jeu près du lac. Les privilèges se confondent dans la masse et ne sont pas provoquant. L'entrées du musée est bien là. Tous les samedis et jours fériés, il y a des visites guidées du stade, auxquelles on va en famille comme on se rend à un pélérinage.
L'ambiance est géniale, comme une grande fête de mariage. De nouveaux, les groupes de supporters sont mélangés, se photographient encore et encore, s'interpellent, chantent,... Un arabe passe en djellaba. Des jeunes filles veulent faire une photo avec lui, il les repousse avec dédain. Elles restent quelques secondes interloquées et vont vers des Nord-Américains, qui leur offrent une bière, servie, à l'intérieur de l'enceinte, dans de grands gobelets d'acrylique coloré.
Quelques bulles sèches de notre enfant archaïque remontent à la surface du déplaisir quand deux supporters du Cruzeiro, chemise bleue aux 5 étoiles, interpellent trois supporters du l'Atetico Mineiro affichant fièrement leurs couleurs zébrées noir et blanc, en leur disant : "Ici, c'est la maison du Cruzeiro". ils n'ont pas le temps de continuer qu'un formidable cri "Corinthians" résonne â leurs oreilles et touts ceux qui ont compris éclatent de rire autour d'eux. Ils s'éloignent dépités. Ce sera la seule esquisse d'écume d'une tension possible.
Je continue le tour du stade. D'un bar, j'entends avec tristesse le célèbre accent wallon, parfumés de trop de mousses, qui gueule "Bande d'enculés, bande d'enculés, bande d'enculés". La culture
sportive des supporters wallons est discutable. Mais le nuage passe vite à la rencontres des mamans avec leur bébé dans les bras qui contemplent, ravies, ce grand carnaval. Le Brésil joue. Tout est à l'arrêt et les crèches sont fermées...
Tout est toujours bien renseigné et bien clair, en portugais et en anglais. Des fonctionnaires en haut de chaise d'arbitre, porte-voix en main, tente d'orienter les gens. Les enfants vont de découverte en découverte. Cela me rappelle le bon temps des matchs Standard - Beveren. On y allait en famille, pour le plaisir d'être ensemble et voir une équipe jouer le jeu. Pour Standard - Antwerp, un casque aurait été bien venu. Selon la rive de l'Escaut...
En faisant un cercle, je suis revenu à mes premiers pas. Il est midi vingt. Secteur B. Le mien, sous- secteur 311. Je monte au-dessus mais brièvement parce que le seuil de l'escalier est au niveau de premier étage. En fait, on descend ou on monte. Les escaliers sont larges, les toilettes publiques un rêve pour les Allemands et il y a des ascenseurs pour les personnes en difficulté.
Sur l'esplanade intérieur, j'achète un hot-dog double, sans choucroute, bien inconnue, et un coca zéro. Seule la carte Visa est acceptée. Les prix sont raisonnables, rengaine de tous les touristes. La serveuse me propose de verser moi-même le coca dans mon beau gobelet , aux bords coupants. Je la laisse faire, Quelques supporters tentent de contourner la courte file, mais ils sont repérés et, main de fer dans un gant de velours, replacés à la fin de la file, en laissant passer les nouveaux arrivants, s'il vous plaît. Un supporter aux couleurs d'Algérie interpelle en arabe un compatriote en train d'être servi mais la sécurité ordonne aux deux hommes de dégager. Les serveuses sourient... Respectez la file...
Selon la coutume brésilienne, on ne regarde pas, on demande. Où est ma place ? Tout content, le steward me la renseigne, trés bien, d'ailleurs. Pas le "par ici et puis par là" coutumier, mais des indications précises. Je m'installe tout prés du kop algérien. Sympathique et endiablé. ils ont volé notre âme. Il est midi et demi. Je déballe mon hot dog et je mange comme tous les brésiliens qui viennent manger au stade après le travail, soit avant soit pendant le match. Le nouveau Mineirão a des sièges gris alternant avec des sièges beige. La pelouse paraît parfaite, la résonnance améliorée. La musique donne trop fort - toujours pour moi - sur des rythmes internationaux qui déçoivent les brésiliens. Les gens arrivent lentement. Mais l'Algérie hurle quand ses joueurs viennent s'échauffer sur le terrain. Les joueurs belges les rejoignent. A droite, les algériens, en disposition militaire, font les exercices. A gauche, des joueurs belges en pagaille. Un groupe belge s'installe derrière moi. Ce sont des néerlandophones de la région anversoise, très sympathiques. On sympathise. Ils adorent le Brésil, l'accueil. Ils sont impressionnés par les travaux, la gentillesse et l'hygiène impeccable. Tout est bon marché et les autocars sont très confortables. Il y a un monde, me disent-ils entre ce que l'on montre en Europe et ce que l'on rencontre ici.
On regarde ensemble la composition des équipes. Ils sont inquiétés par la présence de Van Buyten, Je leur demande s'ils sont plus inquiets que Guardolia... Ils sourient. Je leur dit que les néerlandophones n'aiment pas Van Buyten. Ils acquiescent. Il fait trop de ratés. Mais les Wallons n'aiment pas Simons. Je corrige : Ruytinx, nous n'aimons pas du tout Ruytinx. Mais ilne joue pas en équipe nationale. Tout le monde est soulagé. Surtout les adversaires. Quoique qu'il est peut-être déguisé en joueur du Honduras. Ils n'aiment pas Ruytinx non plus. La descente en seconde division de l'OHL a sauvé l'honneur des comitards flamands.
Il n'y a toujours aucune tension, sinon les encouragements, vifs, bruyant mais étranges, des Algériens mêlant anglais et français. "One, two, three... Vive l'Algérie". Les premiers cris en Arabe se feront entendre à 35ème minute de jeu. Ils sont beaux drapés dans les drapeaux vert, blanc et or.
Le stade paraît toujours vide quand les drapeaux de la FIFA puis des pays entre sur le terrain. Stupeur ! les drapeaux de la FIFA sont plus grands que les drapeaux des pays, il n'y a pas de drapeau brésilien et, soudain, je m'aperçois qu'il n'y a ni marquoir, ni horloge, seulement deux écrans géants au-dessus des goals. La FIFA montre au monde entier la suprématie multinationale d'une organisation internationales riche sur les Etats-Nations. Et certains européens rêvent d'un retour à la féodalité...
La musique universelle de l'entrée des joueurs se fait entendre. Les gens se lèvent et les équipes pénètrent sur le terrain. Les couleurs sont jolies avec les uniformes rouges des diables et blanc/vert des algériens. Hymnes nationaux; Les belges font lalala. Les algériens le chantent en français, fort et bien. Soudain, un supporter algérien surgit et veut ma place. Il brandit son billet et hurle. Je prends son billet. C'est bien U 24, mais bloc 312. Ici, c'est le 311. Il me dit que non, mais tout le monde lui montre le numéro bien affiché sur le mur du fond. Il part furieux.
La sécurité est déjà là et un membre l'escorte. Elle en profite pour faire dégager les escaliers occupés par le kop. Certains refusent. En trois minutes, quatre gardes rétablissent l'ordre, toujours avec le sourire, toujours avec fermeté. Formés à l ́école des classico entre les clubs de Belo-Horizonte, ils en ont vu d'autres. Tous les supporters sont mélangés... Les membres de la FIFA et le Comité d'Organisations ne s'intéressent pas à ce qui se passe en Suisse. Rigueurs inutiles et tatillonnes ici, laisser-aller total là.
C'est parti, le stade est quasi comble et mon bonheur s'écroule en 3 minutes. C'est du pousse ballon belge, ce que le football a de pire opposé au mordant technique algérien. Tout en 4 temps sans rythme, les yeux questionnant sans cesse Wilmots. 1. Je tente d'amortir, 2 je contrôle, 3 je regarde Wilmots pour savoir ce que je dois faire. 4. je me fais prendre le ballon...
Les Algériens attaquent violemment sur nos flancs. L'arbitre est hors de l'esprit du jeu. Il ne siffle pas deux blogs. Cela passe quasi une première fois à droite, puis passe avec facilité à gauche. Pénalty, indiscutable, inévitable, d'un joueur rigide et grand, non formé à cette place, alors qu'avec un rien de souplesse, la balle filait en corner. Le camp belge est atterré, les supporters algériens ivre de triomphe. Dés la douzième minute, après leur goal, les Franco-Algériens se replient en défense, tactique bien connue et morbide de Vahid Halilhodžic. Les Belges patinent, Un grand sentiment de honte m'envahit et ma journée s'endeuille. Si Vertonghen est insuffisant, Lukaku est révoltant. Il remonte toujours en marchant, empêchant toute contre-attaque et toute profondeur. Il parvient même à marcher plus lentement qu'Hazard dans un match amical. Il va dégoûter tous les supporters belges. Les Néerlandophones me diront à la mi-temps que Mourinho est quand même lucide quand il écarte un Debruyne paralysé par l'évènement et un Lukaku, qui peu intéressé par le ballon, a manqué devant nous deux contrôles qui auraient été un caviar pour Benzema ou Mueller.
Les supporters brésilens s'ennuient. Alors, ils font des ola, tentent d'accélérer le rythme en tapant dans les mains. Pas de ritournelles, pas de danses. ils ne comprennent pas pourquoi les gens restent assis. Alors, ils se lèvent, vont acheter à manger ou à boire, vont s'embrasser sur l'esplanade ou aux toilettes et reviennent peu aprés, les bras chargés de gobelets, de salgados et de chips. Les Européens n'ont jamais vu cela.
Comme toujours, Hazard est ignoré et quand il veut rentrer dans le jeu, Wilmots le rappelle à l'ordre, avec les encouragements et les compliments de Vahid Halilhodžić. A la mi-temps,
Entraîneur Wilmots 0 x 1 Algérie.
J'apprendrai en rentrant à la maison que la Juventus s'intéresserait à Lukaku. Peut-être voulait-il faire descendre son prix d'achat ? Publi-reportage, en tous les cas. Nous avons tous entendu distinctement le bruit déchirant du V 12 Ferrari s'enfuir après 20 minutes de pseudo jeu. Dans les faits, il serait bien meilleur dans un kick and rush, courant derrière le ballon pour le rattraper et frapper d'instinct ou en venant d'une deuxième ligne pour frapper un ballon repoussé. Nous avons donc bien un triangle isocèle perdant, à ce niveau : ni arrières-latéraux, ni centre-avant. Et quand les flèches coréennes ou russes vont sprinter, bonjour les dégâts.
Les joueurs remontent sur le terrain. Wilmots a retrouvé son rôle de coach où il fait merveille. Comme trop souvent, il s'aperçoit après ce qu'il fallait faire avant. C'est plus sec, plus mordant, plus vertical, pourtant toujours téléguidé. Fellaini et Mertens montent au jeu. Deux joueurs qui se moquent des consignes et veulent prouver. Dépité, Wilmots s'assoit. S'assied enfin.
Stupeur. Insensiblement, les joueurs cadres rectifient discrétement leurs positions. Witsel avance de 5 mètres et se place plus à gauche (quel gâchis un tel talent en 6, alors que les relayeurs accélérateurs font la force des équipes dans ce mondial). Hazard se repositione plus au centre, Kompany fait remonter sa défense de 10 mètres, Fellaini se déplace plus prés de Mertens. Prêt ?
Hazard, Fellaini et Mertens donnent le ton, C'est parti pour 17 minutes de dignité footballistique et deux buts. Changements gagnants titrera la presse belge. Erreurs flagrantes de sélection titreront les journaux brésiliens.
Conclusion : Wilmots coach 2 x 1 Algérie.
Nous quittons le stade sans euphorie, un rien honteux. Sans doute un des plus mauvais match du mondial, sinon le plus décevant. Mon cœur saigne. C'est une victoire à la Pyrrhus, parce qu'elle a dévoilé, à tous les entraîneurs, nos grandes faiblesses.
Si tout est clair pour entrer dans le stade, pour en sortir tout est obscur. Je rencontre un couple arabe dont la femme porte le foulard, totalement incongru dans cet univers de shorts moulants ultra-courts e des nombrils percés d'un brillant et de vareuses arrogantes. Ils marchent lentement et les gens les contournent dans un très bref silence. J'expliquerai aux Brésiliens qu'il y aussi un Islam des lumières. Mais il s'exprime peu à notre époque. J'aperçois des supporters avec des sacs à dos, des sacs de voyage, même une valise verte, qui vont vers le prochain match. Je comprends, enfin, que la plupart des Algériens viennent de France et sont français. Les écussons de FC Lens, du PSG, de Lille s'affichent joyeusement. Ils sont tristes. Ils y ont cru 70 minutes. Même à 1-1, ils étaient heureux. Curieux mélange de supporters battus mais fiers et supporters gagnant, la tête basse, parfois déjà mais ivres de leur future ivresse éthylique, bien loin du triomphalisme que je découvre ce jour sur les sites belges.
Le point de chargement de l'autobus a été déplacé, un peu plus par là. Un autobus passe au ralenti et refuse de me charger, inattendu au Brésil. La circulation est soudain paralysée. C'est la cohue pour rentrer à temps pour Brésil - Mexique. Enfin, un autobus arrive. Des supporters brésiliens m'expliquent que les algériens ont été très sympas pendant la dictature et que ce pays est aimé au Brésil, d'où le soutien massif du peuple dans le stade. par contre, les Belges ont une bonne réputation dans les universités, les échanges étant, souvent, couronnés de succès. Tout s'explique. Je reviens à la maison après 13 heures de voyage, ravi de mon premier match de Coupe du Monde et bien triste de l'affligeant spectacle offert par l'équipe nationale.
Cela ira mieux demain... Les enfants ont plein d'étoiles dans les yeux...
Commentaires :
Les commentateurs de la télévision reviennent sur le célèbre "je vous l'avais bien dit" et reparle de leur étonnement de voir des équipes européennes préférer aligne des arrières-centraux à des arriéres-latéraux de formation. On a vu ce que cela donne avec la Belgique.
Dans leur résumé du match, ils s'expriment ainsi : "La Belgique est une équipe européenne avec des joueurs talentueux qui jouent dans de gros clubs européens, mais hé hé !, ricanent-ils, ils ont oublié qu'il n'y avait pas de matchs faciles lors de la Coupe du Monde".
Le journal Lance! écrit que "la Belgique n'a été très loin de répondre aux grandes attentes qu'elle suscitait", que ce sont des joueurs du banc "qui ont décidé de l'issue du math, en jouant, eux, au football" avec l'aide du "crack Hazard, astre de cette équipe" dont le positionnement est "incompréhensible". Vertonghen et Lukaku, fantômes sur le terrain, reçoivent un Quatre. Trois, c'est la cote d'un joueur exclu, deux d'un joueur qui aurait reçu une valise, quoique que Casillas a reçu deux pour sa carrière.
Par contre, Mertens reçoit un 8,5 et Fellaini un 8, cotes réservées au cracks. Suivent Hazard et Witsel. Ensuite, rideau. Mais Courtois n'a rien eu à faire.
Un autre commentateur analyse une phase bien représentative du jeu belge. Courtois, en haut à gauche de son rectangle, relance à la main de manière précise son back droit, qui a un couloir ouvert devant lui, la relance de Courtois, géniale, a pris l'équipe d'Algérie à contre-pied. Alderweireld s'avance lentement, s'arrête et fait une passe en retrait vers le centre où se trouvent les joueurs algériens. Gagne-t-on une coupe du monde en jouant ainsi, demande le consultant ?
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