Interview Walfoot : Thomas Chatelle
Photo: © SC
"C'est plus difficile de jouer avec la pression pour ne pas descendre que de jouer avec la pression pour remporter un titre".
Thomas Chatelle est un joueur respecté dans le milieu du football. Sans faire de bruit, le joueur a tout d'abord réussi à s'inscrire dans la durée à Genk. Ensuite, Chatelle a transité à Anderlecht, club dans lequel il a connu des hauts et des bas. Aujourd'hui, le Bruxellois se retrouve à Mons avec un seul objectif : parvenir à maintenir l'Albert en première division. Entretien, pour Walfoot, avec ce footballeur pas comme les autres.
Vous avez commencé à jouer au football à Woluwé, dans le club de Saint-Michel. Est-ce que devenir footballeur, c’était votre objectif depuis toujours ?
C’était plus un rêve qu’un objectif. A la base, le football était d’abord une passion. Vivre du football n’est devenu un objectif que plus tard, quand je me suis rendu compte que je pouvais le faire. C’est en fait quand j’ai signé mon premier contrat professionnel, à seize ans et demi, que je me suis rendu compte que le rêve pouvait devenir réalité.
Durant votre formation (à Saint-Michel, au Racing Jet Wavre, à Malines), avez-vous appris à subir la pression à laquelle vous avez dû faire face à Genk ou encore à Anderlecht plus tard ?
Je pense que ce n’est pas le principal. A ce moment-là, ce qu’il faut c’est prendre du plaisir et s’amuser. Pour moi, c’était encore un jeu entre amis, c’était ludique. Et tant mieux que cela se soit passé comme cela, sinon une forme de dégout du football aurait pu arriver. Je pense qu’il ne faut pas de compétition et de pression trop tôt. Pour moi, c’est venu petit à petit avec les sélections provinciales puis nationales. C’est justement pour ne pas subir cette pression trop tôt que j’ai transité vers le Racing Jet Wavre et pas directement vers un club du top.
Votre carrière professionnelle a véritablement pris son envol à Genk, au début des années 2000. Vous êtes resté sept saisons dans ce club. C’est rare de nos jours de voir des joueurs si fidèles à leur club…
Ce sont des circonstances qui font que le club s’attache au joueur et que le joueur s’attache au club. Dans mon cas, j’ai fait petit à petit mon trou à Genk et j’ai pris une certaine importance dans le club au fur et à mesure des années. Au début, tout n’était pas rose : je n’ai pas toujours eu une place de titulaire, je n’ai pas toujours été considéré comme un joueur important. J’ai donc du me battre pour avoir ma place. Après, cela a été une question de patience et de volonté, je n’ai jamais baissé les bras. Quand je suis arrivé, Genk était un club qui grandissait et qui évoluait. Je me suis retrouvé dans les ambitions du club, ce qui explique le temps passé là-bas. Je pense que si Anderlecht n’était pas venu me chercher, je serais encore resté des années à Genk.
Après Genk, vous passez en effet à Anderlecht. Cependant, votre temps de jeu n’a pas été énorme dans la capitale.
Je m’attendais bien entendu à autre chose. Cependant, je dois dire que mes débuts avec Anderlecht ont été à la hauteur de mes espérances. J’ai quand même joué un rôle important en Coupe d’Europe en marquant le but décisif contre Bordeaux. Aussi, j’ai joué un rôle important dans l’obtention de la Coupe de Belgique : je monte au jeu et je fais pencher la balance pour Anderlecht contre La Gantoise. Je pense donc que ma première année a été bonne. Durant la deuxième saison, je joue mais moins que je ne le pensais. Il faut dire que la concurrence était grande. Et puis, cela ne s’est pas vraiment bien passé avec l’entraineur, Ariel Jacobs, si ce n’est au tout début quand il me faisait confiance. Par après, il n’y a jamais eu d’alchimie entre lui et moi, peu de communication aussi. Au fur et à mesure, le sentiment de frustration dominait. J’avais vraiment l’impression d’être face à un mur. J’avais envie de réussir à Anderlecht comme je l’avais fait à Genk mais, à un certain moment, je devais tirer mes conclusions.
C’est alors que vous partez en prêt à Nimègue, aux Pays-Bas. Ce prêt aura été votre seule expérience à l’étranger. Ne sentez-vous pas un certain regret de ne pas avoir évolué dans un autre club étranger ?
C’est simple : à la fin de mon aventure à Genk, je partais soit à Anderlecht soit à l’étranger. Si Anderlecht n’était pas venu, j’aurais sans doute connu une autre expérience étrangère. C’est certain que c’était un de mes objectifs d’évoluer au sein d’un grand championnat comme l’Italie, l’Espagne ou encore la France.
Aujourd’hui, vous évoluez à Mons. Vous pouvez remercier le système des play-offs, qui fait que tout est encore possible pour l’Albert.
On s’est souvent plaint de ce nouveau système. Ici, en l’occurrence, ce système va peut-être nous aider. Cependant, il faut souligner que l’on ne pense pas encore aux play-offs 3, on a encore à l’esprit l’idée de se sauver directement. Cela passe par une victoire ce week-end, contre Malines. On n’a plus le choix, suite à notre faux-pas face à Waasland-Beveren la semaine passée.
Comment expliquer que Mons, candidat aux play-offs 1 la saison passée, se retrouve dernier du classement ?
La saison passée, en terminant septième, on était sans doute au-dessus de nos moyens. Jérémy Perbet est parti il y a maintenant un an. Cela veut dire que l’on a encore fait quatre à cinq mois de bons résultats sans lui. Cette saison, au contraire, on est complètement en-dessous de ce que l’on pourrait attendre d’un noyau comme le nôtre. On a une équipe pour être dans le milieu de classement. Pas plus haut, ni plus bas. Quand on regarde l’écart entre la huitième et la seizième place, on voit que c’est très serré. Cela se joue donc à très peu de choses. En ce qui concerne Mons, cela s’est joué au mauvais départ. On a véritablement fait un faux-départ, la confiance est partie petit à petit, et on est alors rentré dans ce fameux cercle vicieux que tant d’équipes ont connu. Je pense que l’objectif de la direction et du club était de stabiliser Mons en Division 1 durant un certain temps. On pensait que l’on était sur la bonne voie la saison dernière. Peut-être que tout le monde s’est vu trop beau un peu trop vite.
Vous avez souvent été réserviste à Anderlecht, une équipe qui jouait le titre. Aujourd’hui, vous êtes souvent titulaire à Mons, une équipe qui joue le maintien. Qu’est ce qui est préférable ?
Le mieux, c’est d’être titulaire dans une équipe qui joue le titre ! C’est ce que j’ai connu à Genk ou encore à mes débuts à Anderlecht. Après, je pense que c’est plus difficile de jouer avec la pression pour ne pas descendre que de jouer avec la pression pour remporter un titre. C’est plus compliqué pour un sportif de regarder derrière soi que de regarder devant soi. De plus, les conséquences sont différentes : l’objectif, quand on joue le titre, c’est une Ligue des Champions. Quand on joue le maintien, on joue pour la survie d’un club. Les conséquences qui découlent d’une descente en Division 2 sont bien plus importantes que celles qui découlent de l’échec de l’obtention d’un titre.
En ce qui concerne notre équipe nationale, n’en fait-on pas un peu trop en disant que les Diables Rouges iront loin à la Coupe du Monde ?
La génération que l’on a aujourd’hui en équipe nationale est extraordinaire. Maintenant, c’est sûr qu’il faut être prudent avec l’emballement médiatique et les supporters qu’il y a autour. En même temps, il faut se rendre compte du caractère exceptionnel de cette génération. On a de nombreuses individualités qui réussissent dans de nombreux championnats étrangers, en tant que titulaire, et c’est formidable. Cela n’est jamais arrivé et on ne sait pas si cela arrivera encore. Même si on peut voir que la génération des Espoirs est pas mal non plus. Je suis de ceux qui disent de ne pas s’emballer. Mais d’un autre côté, je trouve cela faux de dire que cette équipe est encore jeune, qu’il faut encore attendre,… Ces joueurs ont de l’expérience, ils sont titulaires dans de grands championnats, ils ont joué de grands matches durant les qualifications pour le Mondial : il faut donc, d’après moi, aller faire un résultat en Coupe du Monde. Essayons de sortir des poules et puis ce ne sera que du bonus.
Vous avez maintenant 32 ans. Que souhaitez-vous faire durant votre après-carrière ?
J’ai pas mal d’idées pour mon futur. Cependant, toute ma concentration va pour le moment à Mons et à mes prestations sportives. Je suis quelqu’un qui aime se donner à 100% dans ce qu’il fait. Le maintien est quelque chose de très difficile, qui se fait en équipe. J’essaye donc de donner le maximum de moi-même chaque jour pour être prêt le week-end. Il sera l’heure en fin de saison de faire le point et de voir où je veux continuer et de quelle manière. C’est clair que la carrière d’un footballeur n’est pas éternelle. Quand on a eu de grandes blessures comme moi, c’est normal de penser à son après-carrière. C’est vraiment une chance de savoir que je vais avoir une autre vie professionnelle, c’est plutôt enchantant.
Vous avez fait une carrière sans bruit, de manière discrète. Vous avez souvent été perçu comme un joueur atypique, différent du footballeur type. N’est-ce pas contradictoire avec ce que vivent normalement les joueurs d’Anderlecht, dont vous avez fait partie ?
Je prends cela plutôt comme un compliment. Je suis resté moi-même et c’est une fierté pour moi. J’ai toujours eu pratiquement les mêmes personnes autour de moi, rien n’a véritablement changé. C’est certain qu’à Anderlecht, si l’on n’a pas un statut de star, c’est plus difficile de s’imposer car on aime le strass et les paillettes dans ce club. Anderlecht reste cependant pour moi le club phare en Belgique, que j’allais supporter quand j’étais petit. C’est vraiment un club prestigieux.
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