Le billet de Dupk : Wasyl ou les plumes de corbeaux

Dirk Diederich
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Le billet de Dupk : Wasyl ou les plumes de corbeaux
Photo: © SC
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En l'espace de 15 jours, Wasyl a été dénoncé à deux reprises : par les caméras de télésurveillance d'abord et par les plumes de funestes corbeaux ensuite.

"Le monde moderne : une Atlantide submergée dans un dépotoir". (Leon Bloy)

Marcin Wasilewski ou le délit de faciès, avec le boulet de la mauvaise réputation accroché à son célèbre tibia. La brute généreuse, le rouleur de mécaniques, le métallo de Cracovie est devenu la cible idéale, le coupable magnifique.

Pendant trois ans, il a été sanctifié aussi ridiculement qu'il est aujourd'hui massacré sur la place publique. Qu'on l'apprécie ou qu'on ne l'apprécie pas est accessoire à côté des mouchardages tragiques qui sont autant de lames de guillotines  le décapitant sans le moindre procès. 

Pourtant, le plus indélicat de ses gestes anti-sportifs sur un terrain n'est rien à côté de l'horreur vomitive de ses dénonciateurs. Car la nouvelle affaire Wasyl donne froid dans le dos. 

L'homme, par ailleurs joueur de football au RSC Anderlecht, a été boire un verre ou deux en Allemagne avec un ami, un collègue d'équipe nationale. Le copain s'est emporté à la sortie de l'établissement sur un chauffeur de taxi. La police est intervenue.

Une histoire banale à crever. Une anecdote pitoyable. Minable comme une mauvaise cuite, inintéressante comme une page chiens écrasés de la DH. La virée stupide aurait dû s'arrêter là pour sombrer dans l'oubli ou pour faire l'objet de trois lignes dans un PV archivé par la Polizei de Köln.

Mais le samedi foireux de Wasyl squatte  la une des médias. Au départ d'une dénonciation de journalistes allemands qui avant d'écrire un article sur "l'affaire" téléphonent à Franciszek Smuda, le sélectionneur polonais. "Des journalistes allemands m'ont appelé, raconte Smuda au site interia.pl. Ils m'ont dit que Peszko avait bu avec un autre joueur de l'équipe nationale, Marcin Wasilewski... N'ont-ils pas honte? A cause d'eux, on parle à nouveau négativement des Polonais en Allemagne et une nouvelle fois dans un contexte d'alcool".

"A cause d'eux"... Smuda a montré qu'il avait l'envergure d'un Georges Leekens avalant un hamburger de travers.

L'affaire devient affaire d'Etat alors qu'elle n'est que commérage de concierges. Que Wasyl ou Peszko aient bu ou n'aient pas bu, qu'ils se soient querellés avec un chauffeur de taxi, on s'en fout royalement comme de l'an 40 (encore qu'on a bien tort de s'en foutre de l'an 40).

Les joueurs de football n'auraient-ils plus droit à une vie privée? A des adultères? A des cuites? A des déviances? A des faiblesses? A des écarts de conduites? A des ratages en dehors des terrains?

En fin de compte à être des trous du cul comme vous et moi ou comme ces journalistes allemands?

A ce tarif-là,  Johan Cruijff, Georges Best, Diego Maradona ou encore Roger Claessen n'auraient eu aucune chance de faire carrière aujourd'hui.

Simplement à cause de journalistes dont la plume est de corbeau. Prompts à moucharder, à "paparazziter" et à broyer des carrières. Alors qu'on ne les entend jamais lorsqu'il s'agit de dénoncer des turpitudes bien plus fondamentales comme par exemple le blanchiment de l'argent des mafias dans le football.

Heureusement, la direction du Sporting d'Anderlecht s'est refusée à être complice d'un lynchage particulièrement lâche. Heureusement, Lukas Podolski est monté au créneau pour défendre ses amis. Heureusement, l'enfer n'est pas que pavé de pisse-petits. Heureusement, tout n'est pas noir et blanc comme l'encre et le papier de la plupart de nos médias. Heureusement, tout n'est pas que dérives.

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