L'alphabut : la lettre G!

Dirk Diederich
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L'alphabut : la lettre G!
Photo: © SC

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La lettre G comme dans goal! Ou quand un match n'a pas de but, c'est un match nul ...de chez nul!

G comme goal

 

On aurait pu imaginer le football sans goal. C’est d’ailleurs la solution choisie à l’origine en Chine Antique. Le football s’appelait alors Cuju. On jonglait avec un ballon, on se le passait, on riait d’insouciance, on prenait le temps de le versifier à l’instar du poète Li Yu (136-50 AJC) qui en Rodrigo Beenkens de l’époque chantait : « La balle est ronde, le terrain carré, pareil à l'image du ciel et de la Terre. Et la balle vole au-dessus de nous comme le Soleil ».

 

C’était le temps béni où il n’y avait ni vainqueur, ni vaincu. C’était  simplement à qui réussisait le plus grand nombre de passes comme on dit aujourd’hui du côté de la rue d’Aerschot ! Le plaisir suffisait.

 

Mais importé par la fameuse route de la Soie, le Cuju -(que nos ancêtres prononçaient Cucu)- fit un peu tapette dans nos contrées gauloises et viriles. Ces histoires de ballon qui roulait, qui bondissait, qui restait collé aux pieds, ça intriguait nos robustes guerriers l’espace de quelques secondes, puis ça leur arrachait au bout de cinq minutes de terribles baillements qui n’eurent dans l’histoire plus jamais d’équivalents sinon ceux arrachés annuellement par les discours de Noel du Roi Albert Bis. Faut dire que  jusqu’alors ils ne pratiquaient comme sport que le bilboquet avec de vraies têtes humaines au bout d’un pieu.

 

Or,  à l’image de nos rites amoureux préhistoriques qui donnèrent naissance à la danse moderne en passant d’abord par le ridicule en tutu et en petits pas, le Cuju mit bat au bout de quelques siècles à une version qui avait plus de gueule, une variante qui avait surtout plus de goals. Le succès fut immédiat, même si dans un premier temps, les deux goals étaient espacés de plusieurs kilomètres. L’espace à l’époque ne manquant pas, les seules clôtures ou barrières qui avaient alors cours étaient précisément ces goals construits de boucs de sorcières et de filets de pêche.

 

L’homme cependant s’empatant, s’embourgeoisant, s’empantouflant, il en profita pour rapprocher les buts. Ainsi, à peu près tous les cent ans, il réduisit le terrain de quelques kilomètres pour arriver finalement aux mensurations actuelles qui permettent à Belgacom TV, avantage indéniable,  de filmer les matchs avec un nombre réduit de caméras.

 

Le goal est devenu aujourd’hui  le but suprême. Le canon de beauté idéal qui permet de jauger une rencontre. Sans but, un match est rapidement considéré comme nul, même si les deux équipes furent méritantes comme les artistes du Cuju.

 

Quand une équipe marque, même de la façon la plus moche, en trichant, en truquant, en profitant d’une supériorité numérique ou d’une erreur de l’arbitre, tout le monde s’extasie, du moins du côté des gagnants. Le beau jeu est devenu une notion pour esthètes fin de siècle.

 

Le goal est une fin en soi, c’est l’orgasme, le coït. Qu’importe qu’il soit le fruit d'une éjaculation précoce, baclée ou sauvage. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Il est à l’image de nos efficacités si peu humaines : Droit au but comme aimait à le rappeler Bernard Tapie au temps de sa splendeur marseillaise.

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