L'alphabut de Dupk : la lettre D

Dirk Diederich
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L'alphabut de Dupk : la lettre D
Photo: © SC

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Quatrième lettre déjà : le D comme le Daring, le Nouveau Daring, ce temple de la bière et de la dernière humanité.

D comme le Daring

 

Le Daring. Le Nouveau Daring. Un café à Molenbeek. Une taverne d’Ali Baba comme il y en a quelques-unes aux abords des stades de football. J’aurais pu m’intéresser au Dindon mauve, au D’Onofrio-Demey 2, au Doudou Didon Dirupo ou encore au Drôle de Zèbre. Pourtant , ces lignes s’attarderont sur la Mecque des pompes à Jupiler.  

 

Car à l’ombre du stade Edmond Machtens, ce lieu  résiste encore à l’anonymat de l’architecture de béton qui glace désormais nos villes devenues de banales cités dortoirs.

 

Le café des stades, c’est l’aimant qui nous attire aux pôles de houblon. C’est l’ancienne Maison du Peuple où on vidait jadis les fûts sous prétexte de parler politique. En deux mille dix, le football a remplacé la politique comme prétexte à nos alcoolismes. Il est évidemment plus facile et plus rassurant de dire à nos femmes et à nos maitresses -(j’espère n’avoir oublié personne, mes chéries)- qu’on va au foot plutôt qu’au café.

Le stade de foot en général rassure. Il a un petit côté bac à sable  auprès de nos épouses et de nos amantes qui nous voient ainsi partir au stade tel des Working Class Heroes  en marcel ou en vareuse aux couleurs de nos clubs.  Mais nous, nous les supporters les plus fieffés, dans le rouge à lèvres de nos concubines, nous voyons alors déjà, le sourire en coin ; les reflets dorés de la bière coulant à flots dès le coup d’envoi de la troisième mi-temps.

 

Le Nouveau Daring, donc.

 

Mon oncle fut à la fin des années cinquante le patron du Daring. Il y fit une fortune relative en vendant saucisses et bières avant de se retirer dans un village ardennais pour y ouvrir un établissement de haute gastronomie.

 

Cinquante ans plus tard, le Daring est Nouveau. Pourtant en y entrant, on a l’impression que le temps s’y est figé. Bruxelles y zwanze encore, même si aujourd’hui, le patron s’appelle Saci, qu’il a l’accent du Monténégro, le maintien droit, la tête haute et dure et le sens de l’hospitalité tellement typique des gens des Balkans.

 

Saci tient l’établissement sur ses épaules. Presqu’Herculien. Il doit porter les tonnes d’humanité qui s’y concentrent. Au nouveau Daring, les jours de match, c’est un arc-en-ciel de caractères. C’est le saloon des westerns où Gary Cooper serait coiffé d’un bonnet rouge et noir au lieu d’un vieux chapeau poussiéreux.  Les musiciens de la Fanfare de Molenbeek tiennent dans une main un verre de 33 et dans l’autre leur instrument. La trompette retentit soudain. Une invite à chanter. Les gorges humides comme les yeux d’un enfant qui vient de chialer entonnent au rythme des percussions de Jef Tambour un « Le RW D de Molenbeek, voilà notre équipe »  en guise de concentré de nostalgie du temps où c’était pas comme maintenant. On rit, on se moque des autres clubs, des autres couleurs, toutes moches, sauf l’orange qui est la couleur du string de Sharon Stone dans Blanche-Neige et le Loup-Garou.

 

On boit. On trinque. On sirote. On écluse. On picole. On trinque à la santé de la ... victoire ou de la défaite ? On ne s’en souvient plus. Qu’importe d’ailleurs. On enrage contre l’Union Belge de Football. Puis tout à coup, notre regard tombe sur Imen, la serveuse, l’âme, le regard, la sensualité du lieu. Elle porte comme une Danaïde deux plateaux de bières. Son corps chaloupe, tangue de souplesse, de légèreté et se fraie un passage dans la masse opaque des buveurs. Imen, c’est tous les soirs Moïse au féminin, mais un Moïse qui par comparaison rendrait Beyoncé aussi tarte que Mireille Mathieu.

 

Imen, on la regarde, mais avec respect. On boit cul-sec ses sourires. On en prendrait volontiers une cuite de ses sourires et de ses oeillades d’amande. Mais la voilà déjà qui repart, avec un plateau de consommations à l’autre bout du café, à l’autre bout du monde.

 

Le nouveau Daring est incomparable. Et Jef Tambour de remettre un roulement de Tambour. Et les chants de reprendre. La nuit, dehors, s’arrête, s’immobilise, écoute. Emue, elle fait alors briller toutes ses étoiles. Car là, en-bas, devant ce zinc tout droit comme ne le sera jamais une passe de Beckham, là, sous le plafond où sont suspendues des dizaines d’écharpes aux couleurs des clubs de toute l’Europe, se joue ce que l’humanité a fait de mieux jusqu’ici : la touchante comédie humaine.

 

Le Daring, c’est mon café.

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