Interview Rodrigue Derycke "Ceulemans, c'est l'inverse de Boskamp"

Olivier Baute
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Rodrigue Derycke "Ceulemans, c'est l'inverse de Boskamp"
Photo: © SC
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Rodrigue Derycke, ancien joueur entre autres, de Mouscron, Tournai, Courtrai, Roulers et Alost, nous a fait le plaisir de répondre à quelques questions. Il entraîne depuis un peu plus d'un an le club de Moen en P4 flandrienne.

Wf : Le recrutement de Moen a été très "francophone" cette saison. Une raison ?

Oui. Cette saison, je tenais absolument à choisir moi-même les nouveaux joueurs. Ce qui n'avait pas été le cas la saison précédente, mis à part mon entraîneur adjoint et également joueur, Grégory Vandenbulcke, que j'avais imposé avant de signer à Moen.

Lorsque j'ai commencé mon recrutement au mois de janvier, j'ai contacté quelques joueurs néérlandophones. Mais soit, ils avaient déjà donné leur parole dans leur club, soit les conditions proposées par Moen ne leur convenaient pas.
Je suis conscient que les moyens financiers sont très peu élevés à Moen, mais je suis convaincu que le projet que je proposais aux joueurs était très intéressant. C'est-à-dire, jouer la tête du championnat, se mettre chaque semaine en vitrine, continuer à progresser avec de bons entraîneurs, Grégory Vandenbulcke (38 ans), ex-Renaix, Deinze, Temse, Alost, etc..,  Krist Willecquet (34 ans), entraîneur des gardiens, ex-Tournai, Deinze, Ostende, etc.. et moi-même (licence UEFA-A) et jouer avec d'autres bons joueurs. Avec en plus, de très belles installations et des dirigeants qui connaissent le football. Bref, que du bonus ! Et c'est ce projet qui a attiré les joueurs francophones. De très bons joueurs, ambitieux et abordables pour le club.
 
Wf : Comment se passe l'intégration des nouveaux joueurs dans le groupe ?

Tout se passe très bien. J'ai commencé la saison par une pré-préparation 'facultative' du 16 juin au 3 juillet. Ceci afin de gagner du temps au niveau de l'intégration des nouveaux joueurs. Nous étions toujours 18 ou 19 joueurs à l'entraînement. Ces trois semaines nous ont fait un bien énorme, même si les gens extérieurs me prenaient pour un fou de commencer aussi tôt que le premier club de D1. Ensuite, et c'est très important, il ne faut pas oublier que nous jouons dans un club flamand et que c'est aux joueurs francophones de s'adapter ou de faire des efforts. C'est pourquoi à chaque entraînement, je leur donne un papier avec cinq mots français-flamands, en rapport avec le football. Ceci afin qu'ils les étudient en rentrant chez eux. Ils ont déjà bien progressé. Notamment Giovanni Colletto qui vient de France et qui n'avait jamais entendu parler flamand.
 
Wf : Et avec vos adversaires ? Surtout au vu des vos excellents résultats !

Cela fait trois saisons consécutives que Moen est champion d'automne, participe au tour final mais ne monte pas. Les adversaires connaissent la qualité du noyau et chaque semaine, l'équipe que nous affrontons souhaite prendre des points contre nous. Cette saison encore plus avec notre parcours sans faute... pour l'instant !
 
Wf : Un nom surprend dans votre effectif ! Comment avez-vous réalisé ce transfert de choix ?

Je suppose que vous voulez parler de Steve Dugardein ? Sachez, tout d'abord que Steve est un ami de longue date. Nous avons commencé à jouer au foot ensemble à l'âge sept ans à l'Excelsior de Mouscron (D4) et même si je suis parti à douze ans jouer à Courtrai (D1), nous sommes toujours restés en contact puisque nous habitions tous les deux Mouscron. Plus tard, nous avons participé à de nombreux tournois de fin de saison et avons encore organisé cette année un "challenge du jeune footballeur" au profit de la mucoviscidose. 

Au mois de janvier, lorsque Steve a décidé de mettre fin à sa carrière, je l'ai immédiatement appelé pour, d'abord, le féliciter pour sa carrière fantastique. Et ensuite pour le prévenir de ce qui allait lui arriver dans les mois à venir. Pour être moi-même passé par là, je savais que le plaisir de jouer, l'ambiance d'un vestiaire et, à seulement 35 ans, tout cela allait vite lui manquer. Il ne voulait pas trop en entendre parler mais entre-temps j'avais quand même pu lui en toucher un mot et espérait que cela allait lui trotter dans la tête.

Le 2 juillet, la veille du dernier entraînement de la pré-préparation, je l'ai invité à venir participer à un match entre nous car nous étions que 19! Il a tout de suite accepté de me rendre service et je pense que le lendemain, il est vite tombé sous le charme du club, de ses installations et du sérieux des joueurs et entraîneurs malgré le niveau rappelons-le ! Lors de la présentation des joueurs qui a suivi l'entraînement, je lui ai proposé de réfléchir une dizaine de jours et de me donner une réponse à mon retour de vacances. Je vous avoue que j'étais très heureux et honoré lorsqu'il m'a dit que c'était d'accord.
 
Wf : Avec un CV de joueur comme le vôtre, pourquoi avoir commencé directement en P4 flandrienne ?

Il y a deux ans environ, lorsque j'ai compris qu'il était mieux pour moi de commencer comme jeune entraîneur plutôt que de continuer les frais comme joueur, j'ai envoyé mon CV dans trois clubs de promotion et un club de première provinciale. Tous ces clubs, ambitieux pour la plupart, avaient renvoyé leur coach ou n'avaient pas l'intention de prolonger leur contrat pour la saison 2008-2009. Fort de mon expérience de joueur au niveau national et de l'obtention de mon diplôme UEFA-A en 2004, j'avais bon espoir. Finalement, trois clubs ont joué à la chaise musicale et le quatrième a pris un ancien joueur de D1 qu'il a viré après trois mois pour le petite histoire.

Alors que Moen m'avait déjà contacté à trois reprises, j'ai commencé à ouvrir les yeux. Pourquoi continuer à envoyer des CV alors qu'un club vous souhaite vivement et vous apprécie et a surtout confiance ? Lorsqu'ils m'ont contacté pour la quatrième fois, je les ai invité à la maison pour discuter et je suis vite, moi-aussi, tombé sous le charme de ce club familial. Une chose est sûre, je n'enverrai plus jamais de cv!
 
Wf : Vous avez eu des entraîneurs prestigieux durant votre parcours. Certains entraînent toujours parmi l'élite. Que retenez-vous d'eux ?

Je reconnais avoir eu beaucoup de chance d'avoir pu côtoyer tous ces entraîneurs. Ils m'ont tous appris quelque chose. Même si, par exemple avec Bauduin Braem et Georges Leekens, je ne l'ai compris qu'après.
En équipes nationales de jeunes déjà, avec Frans Masson, Philippe Saint-Jean et Ariel Jacobs, c'était le soucis du détail, la rigueur et le sérieux.

C'est Johan Boskamp qui m'a vraiment donné ma chance en équipe première à Courtrai (D2) même si René Desayere m'avait déjà aligné deux fois en D1 la saison précédente. Boskamp, une force de la nature. Il impressionnait tous les joueurs, mais personne n'aurait pu toucher un cheveu de ses joueurs. Un jour, il a dit à un journaliste que je courais comme un pur-sang. Que j'avais de la dynamite dans les deux pieds et que s'il était à la place d'Anderlecht, il m'achèterait. Quelques mois plus tard, il partait comme entraîneur à Anderlecht. Mais malheureusement, je me faisais opéré des adducteurs et n'ai plus joué pendant presque deux ans. Je l'ai revu dernièrement et il n'a pas changé. "Rodriguesh, west jong ," Il m'appelait toujours comme ça avec son accent hollandais et ses éclats de rire.

Jan Ceulemans
, c'était tout l'inverse de Boskamp. Calme, discret, cinq minutes de théorie collective maximum et le reste en individuel. La preuve aussi qu'il ne faut pas toujours se mettre en avant pour avoir des résultats. Nous sommes montés en D1 cette année-là avec Alost.

Mais celui que j'ai préféré le plus, c'est Willy Wellens. Quelle classe ce Monsieur. A la fois proche de ses joueurs et distant. Il savait donner confiance au groupe et ses entraînement étaient très agréables. C'est toujours un plaisir de le revoir.
Claude Verspaille, qui formait un duo exceptionnel avec Denis De Tandt (coordinateur des jeunes à Courtrai aujourd'hui), n'avait peut-être pas l'étoffe d'un grand entraîneur mais a prouvé qu'avec une mentalité de gagnants et beaucoup de travail, on pouvait obtenir de très bons résultats.
Je ne veux pas oublier Etienne Vergote, moins connu, mais entraîneur de Winkel (D4A) depuis 8 ans déjà. Si mes passages dans ce club n'ont pas été très performants, j'en garde néanmoins un bon souvenir. Que ce soit après un victoire ou après une défaite, il restait toujours la même personne.
J'ai aussi appris de nombreuses choses de trois entraîneurs... Mais surtout ce qu'il ne fallait pas faire ou être ! Je constate maintenant, et je n'en suis pas surpris, que malgré la carrière de joueur qu'ils ont eu, ils ne sont plus entraîneurs.
 
Wf : Beaucoup de titres aussi. Avez-vous un ou plusieurs souvenirs particuliers à retirer du lot ?

La montée d'Alost en première division. J'étais persuadé que c'était Mouscron qui allait monter lors de la dernière journée du tour final en 94. Étant toujours resté supporter de l'Excel, j'avais pris rendez-vous avec des copains sur la place de Mouscron. Finalement, c'est Alost qui l'a remporté et la fête qui a suivi a été mémorable. Jan Ceulemans voulait me dire quelque chose mais vu notre état à tout les deux, il m'a dit: "Laisse, on va en parler au prochain entraînement !"

Le titre en D3 avec Roulers et la montée de D4 en D3 avec Gullegem restent mes meilleurs souvenirs. Dans les deux clubs, le groupe était très uni et cela vous rapporte de nombreux points pendant la saison. C'est ce que je souhaite vivre à Moen cette saison-ci. Nous sommes bien partis et l'ambiance entre les joueurs est excellente ! 
 
Quelles sont tes ambitions en tant qu'entraîneur à présent ?
 
J'espère réaliser une plus belle carrière d'entraîneur que celle que j'ai eu comme joueur.
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