Interview La D1B après ... les îles Fidji : entretien avec Christophe Gamel

La D1B après ... les îles Fidji : entretien avec Christophe Gamel

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Il y a des profils atypiques au sein du football belge, mais celui de Christophe Gamel est fascinant : passé par le Qatar, par l'équipe féminine du PSG ou encore par la Hongrie, l'entraîneur de Roulers est arrivé ... des îles Fidji, dont il était sélectionneur. Entretien avec un baroudeur !

Quand Roulers annonçait l'arrivée de Christophe Gamel en novembre dernier, on a peut-être trop peu insisté sur le profil atypique de l'entraîneur français de 47 ans, qui revenait en Europe après deux ans et demi passés à la tête des îles Fidji, modeste sélection océanienne. Alors que son équipe prépare les playdowns de la D1B, Walfoot a décidé de revenir sur ce parcours atypique ... 

Mr Gamel, qu'est-ce qui vous a amené en Belgique, il y a maintenant plusieurs mois ?

Les raisons sont plus familiales que professionnelles : je ressentais le besoin de me rapprocher de mon fils et de ma famille après deux ans aux Îles Fidji, la distance devenait pesante. Via un contact, j'ai pu postuler pour ce poste à Roulers, mon profil a convaincu ... Maintenant, pourquoi la Belgique ? Bien sûr pour cette proximité avec la France, mais aussi parce que le football belge m'a toujours plu. Récemment, même si en tant que français, je ne devrais pas le dire, j'ai vraiment apprécié le jeu des Diables Rouges (sourire). C'est un football qui me parle.

En termes d'exposition, coacher en Belgique, même si ce n'est qu'en D1B, est probablement plus intéressant également.

C'est une belle porte d'entrée vers le marché européen, en effet. La Belgique est un beau tremplin à l'heure actuelle. Mais c'est aussi l'idée de découvrir différents types de football : j'ai connu l'Europe de l'Est (Hongrie), l'Asie avec le Qatar, l'Océanie avec les Fidji, même le football féminin. Mais jusqu'ici, pas forcément un championnat européen. 

Le moins qu'on puisse dire est que votre parcours est atypique. Vous arrivez ici après avoir été sélectionneur des Îles Fidji... Racontez-nous comment cette opportunité s'est présentée. 

J'ai eu l'opportunité de goûter au football de sélection au Qatar, chez les jeunes, et ça m'a parlé. J'ai donc eu via un intermédiaire une proposition pour diriger une sélection dans la zone Océanie ; j'ai répondu favorablement, passé des entretiens ... sans savoir où ce serait (rires). Puis, voilà, j'ai appris que c'était les Fidji. C'est vrai que ce n'est pas le pays auquel on pense même en zone Océanie, où on parle d'abord de la Nouvelle-Zélande, Tahiti, voire la Nouvelle-Calédonie. Mais mon projet leur a plu, mon profil et l'idée de pouvoir mettre en place quelque chose de global, à partir des jeunes, en professionnalisant la structure et même en travaillant au niveau du football féminin.

Je suis le seul coach à avoir disputé une finale de Ligue des Champions masculine (Lautoka) et une féminine (PSG) !

J'y ai également travaillé en club en parallèle, avec Lautoka : j'y ai disputé la finale de la Ligue des Champions asiatique (2018)... ce qui fait de moi le seul coach à avoir disputé une finale de Ligue des Champions masculine et féminine (avec le PSG, en tant qu'adjoint en 2015, nda).

Qu'est-ce qui est le plus difficile à mettre en place en arrivant dans un pays comme les Îles Fidji ?

Oh ... Tout. Il y a tout à mettre en place. Le jeu au sol, notamment, c'est quelque chose que je prône partout où je vais et ce n'était pas évident à installer là-bas.

À cause des terrains et infrastructures ou pour une question de niveau ?

Les infrastructures étaient honnêtes, perfectibles, bien sûr, mais ça allait. Le problème se situait au niveau de la qualité des joueurs et du professionnalisme ... Mon poste était professionnel mais les joueurs ne l'étaient pas et ne le sont toujours pas. C'était donc toujours une lutte pour qu'ils puissent consacrer assez de temps au football, puisqu'ils ne gagnaient pas leur vie via ça. En Océanie, et aux Fidji particulièrement, le foot n'est pas vu comme une source de revenus, c'est plutôt le rugby. Le rugby à 7, c'est le sport-roi là-bas.

Roy Krishna, buteur emblématique des îles Fidji

Votre plus grand défi était donc de faire évoluer les mentalités.

Voilà. Et elles ont évolué, grâce également au superbe travail de Mr Patel, président de la fédération des Fidji. Ils ne comptent pas leur temps pour faire évoluer leur football. Nous avons progressé de 25 places au classement FIFA, il y a des projets pour professionnaliser le championnat local ... Nous avons eu l'occasion de disputer des matchs de haut niveau, notamment en Indonésie où le vivier de joueurs est immense en comparaison aux Fidji. Et nous y avons tenu le nul.

Notre victoire contre l'île Maurice était la première contre une équipe africaine, et nous avons ramené des médailles des Jeux du Pacifique pour la première fois en 14 ans (argent en 2017 aux Mini-Jeux, bronze en 2019 aux Jeux). Tout ça est source de grande fierté pour une si petite nation.

Justement, comment le sélectionneur d'une telle nation compose-t-il son groupe ? On sait que les petites nations tentent parfois de convaincre des joueurs évoluant en Europe et ayant des origines ...

Voilà, c'est l'idée. Le problème est que c'est parfois difficile de convaincre un joueur habitué au confort européen de faire un si long déplacement ... et si les infrastructures, comme je l'ai dit, ne sont pas à proprement parler mauvaises, le confort des installations de l'académie reste sommaire. La base de l'équipe, naturellement, c'est le championnat local, et nous avions les outils nécessaires pour le couvrir et l'analyser en profondeur. Puis, j'ai pu dénicher quelques joueurs comme Scott Wara (Stoke City), qui évolue en Angleterre ; Nicholas Prasad, qui joue en Allemagne (Bischofwerdaer). Et bien sûr, il y a la star de l'équipe, Roy Krishna, qui joue actuellement en Indian Super League. Un vrai professionnel et un joueur de grande qualité, c'était un plaisir de travailler avec lui.

Je n'ai jamais craint d'être catalogué comme "entraîneur de pays exotique" car je crois en mes idées

Vous n'avez donc pas regretté l'expérience, humaine et sportive ?

Certainement pas. C'était un vrai choc culturel, c'est vrai, avec un mélange au niveau des religions qui est assez incroyable ... C'est aussi une mentalité très différente. Mais j'ai pu travailler avec des gens formidables et je peux vous assurer que le football océanien est en progrès, grâce notamment à l'investissement énorme de Patrick Jacquemet, directeur technique de l'OFC, et de son assistant Giovanni. Ils font un travail fantastique.

Certains coachs se retrouvent enfermés dans la case «coachs exotiques», et enchaînent les postes dans ces destinations lointaines ... Vous n'avez pas eu peur d'être catalogué de cette façon ?

(il soupire) Non, franchement pas, tout simplement parce que si vous avez peur de ça, c'est que vous ne croyez pas en ce que vous proposez comme projet et comme idées à vos employeurs. C'est vrai, certains sont catalogués, mais je n'ai jamais eu peur de ça car je crois en mon football et mes idées sur le plan sportif, c'est tout ce qui m'importe. Et ça a convaincu Roulers quand je leur ai exposés. Si c'était à refaire, j'y retournerais sans hésiter ...

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