L'Alphabut : la lettre r comme rwdm
Photo: © SC
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L'Alphabut de Dupk aborde la lettre R comme RWDM, le dernier club bruxellois qui réussit en 1974-1975 à devenir champion de Belgique. Nostalgie.
Perdre un match. Descendre de division. Pour le supporter, c’est de la roupie de sansonnet à côté de la disparition du club de son coeur. Rien n’est pire, sauf peut-être un disque de Céline Dion ou un nouveau titre des mauves en Jupiler League. Et encore. J’exagère. A la recherche de la formule qui choque, de l’image qui tue. Et l’image a tué.
Le RWDM est mort. D’une mort fulgurante, dans la fleur de l’âge. A vingt-neuf ans. Même Wolfgang Amadeus Mozart a tenu six ans de plus. Requiem ! Arthur Rimbaud a atteint l’âge canonique de trente-sept ans. « Elle est retrouvée. Quoi ? - L'Eternité. C'est la mer allée Avec le soleil ». Alexandre Pouchkine ? Egalement trente-sept balais au compteur. Il n’y a que James Dean, le rebeau aux yeux de chien battu romantique, qui a fait dans le plus précoce.
La vie continue ? Moi, j’ai décrété un deuil de quarante-sept ans. Quarante-sept comme le matricule de ce club d’apparence hybride, né d’un père homme du peuple et d’une mère bourgeoise. Fils prodigue, jeune prodige, météore fou dans un ciel bruxellois glacé. Le RWDM était magnifique. The Magnific Forty-Seven.
Mais rien n’est plus lugubre que le verbe être au passé, sauf peut-être la mort de votre femme. Et encore. J’exagère. A la recherche de la formule qui choque, de l’image qui tue. Et l’image a tué.
Le RWDM est mort. Toutefois pas faute d’avoir vécu. Il a vécu à cent à l’heure. Il a raté son virage, c’est tout. En état d’ivresse ? Sans doute. Champion hors catégorie à l’âge où la plupart des clubs têtent encore leur sucette en couinant et en bavant dans leur berceau tout propret, le RWDM frappa immédiatement les esprits endormis du football belge. Esprit, es-tu las ? –Oui, je roupille ! –Allons ! Debout ! Et le tocsin Boskamp sonna l’hallali pour chasser les cerfs de toutes les résignations.
En 1974, le RWDM qui venait de fêter son premier anniversaire étrilla 5-1 le Bayern de Munich des Beckenbauer, Müller, Hoeness and co. Cinq buts à un contre le champion d’Europe, Cinq buts à un contre la plupart des champions du monde de l’époque. Inouï. Un club belge avait enfin et véritablement mis un pied à l’étrier du grattin européen. Le club qui joue en un mélange de rouge et de bleu, les Blauw en Zwart et les Rouches ne feront que suivre plus tard la voie ouverte par le Racing White Daring de Molenbeek.
Les soirs de cafard, les matins de pluie, les jours de déconfiture, aux aubes nullardes, aux crépuscules glauques, je me récite invariablement le poême appris à mes quatorze ans. Un poême qui tient de la chanson douce de Paul Verlaine : Ecoutez la chanson bien douce Qui ne pleure que pour vous plaire, Elle est discrète, elle est légère Un frisson d'eau sur de la mousse !. Un poème délicat comme la nostalgie peut l’être. Ecoutez plutôt.
« Nico De Bree, Gérard De Sanghere,
Maurice Martens, Kresten Bjerre,
Odilon Polleunis, Johan Boskamp,
Benny Nielsen, Willy Wellens,
Eddy Koens, Jacky Tuborg
Eric Dumon, Felix Week”
Insurpassable. Fulgurant. La musique de Bruxelles la populaire retentit pour la dernière fois de l’histoire de la ville, mais on ne le savait pas encore. Dans ces années septante, la capitale de la Belgique s’appelait Molenbeek, le ruisseau du Moulin où fut pétri le meilleur des pains qu’on partagea alors sans que Dieu ne nous le rendra jamais.
La mie hélas a moisi, la croûte a durci et nos rêves de jeunesse s’y sont cassé les dents. Car à croquer la vie à belles dents, les mâchoires s’édentent. Rien n’est pire que de perdre ses dents, de ne se retrouver qu’avec trois dents de sagesse cariées. Et encore. J’exagère. A la recherche de la formule qui choque, de l’image qui tue. Et l’image a tué.
Le RWDM est mort. Il n’est plus qu’un souvenir qui réchauffe le coeur quand j’arpente la rue Charles Malis, une rue désormais anodine parmi les quarante-sept rues qui voisinent le stade Emond Machtens.
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