L'Alphabut de Dupk : lettre B!

Dirk Diederich
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L'Alphabut de Dupk : lettre B!
Photo: © SC

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Aujourd'hui, la lettre B comme ballon de football.

Le ballon de foot est rond comme la planète bleue, ainsi que d'une dimension qui épouse à perfection le coup de pied, à croire que Dieu a façonné la courbe de nos  panards à dessein. Et heureusement d'ailleurs, car toute autre forme aurait condamné l'humanité entière à consumer ses jours en collectionnant des timbres, à jouer à la pétanque ou à qui pisse-le-plus loin.

Le ballon rond tourne et pas que sur lui-même parce qu'il se veut insaisissable, hors de portée de tous les Copernic de salon, bondissant à la manière d'un rêve joyeux, voire d'une bulle de Champagne. Le ballon de foot glisse et a le rendu lisse de la fesse de Vénus. Il excite, il aimante tous les regards plongeant dans ce désir inconscient plus que dans le décolleté des miss locales qui viennent donner le coup d'envoi du match.

 

Le ballon roule jusqu'à la fin d'un cycle, jusqu'à l'agonie de sa dernière rotation. Inerte, il convient alors de lui botter le cul à cette fesse de Vénus. Ainsi, il repart de plus belle et de plus balle vers d'autres pieds, vers d'autres têtes, vers d'autres poitrines. C'est que le ballon sous ses airs ballots explore le corps humain, vérifie mieux que n'importe quel médecin anatomiste si tel ou tel joueur a des couilles ou s'il ne s'agit que d'un banal Cristiano Ronaldo, cette icône triste de playstation, ce baby-face doublé de baby-bollocks, aux guiboles en aiguilles à tricoter qui accompagne chacune de ses mailles à l'envers d'un éternel rictus de Joconde des supermarchés dont le seul rêve se résume au contenu d'un tiroir caisse bien ordonné.

 

Le ballon rebondit à la façon de bien de nos destinées, malgré le carcan de nos quotidiens, malgré la rigidité bureaucratique des nonantes minutes qui l'anime comme un pace-maker. Il fuse. Il s'éclipse. Il flotte comme un poisson dont la trajectoire le mène tragiquement vers le filet qui arrêtera sa course mieux que le coup de sifflet final de l'arbitre.

 

Le ballon est lisse, de cuir ou de synthétique, sans aspérité comme le visage d'une speakerine de RTL-TVI, et imperméable aux émotions et aux odeurs (sinon, bonjour les odeurs de pied concentrées). Sa rotondité évoque à chaque instant la perfection. Jamais, au contraire du ballon de rugby, on ne le traitera de courgette, ou de potiron comme l'ineffable et grotesque ballon de basket. Le ballon de foot est un et refuse toute trinité à l'inverse des boules de billard. .

 

Le joueur qui va effectuer une rentrée en touche le caresse, l'adule, se confond en prévenances, en regards amoureux alors que deux secondes auparavant il le bottait de rage en touche. S'instaure doncques un monologue dactyle précieux, le ballon se prêtant de bonne grâce à cette cour délicate, mais assidue, aux frôlements des mains de pianistes du footeux qui soudain tapotent une barcarole mélancolique et sensuelle sur le cuir qui ravale l'hymne pompeux de la Champion's League à un Für Elise interprétés en pets d'éléphants. Oui, la rentrée en touche, c'est Romeo et Juliette à chaque fois revisités.

 

A la manière du zéro, le ballon confine à l'infini. Bien que petit, ce Sarkozy des pelouses, cette boule de discrétion et de modestie sait pourtant son indispensabilité. Davantage que le signe de ponctuation de la phrase, il est irremplaçable et essentiel. Sans ballon ne reste plus sur la pelouse que vingt-cinq âmes en peine à se regarder en chiens de faience au comble du désarroi, comme une église sans dieu, comme un JT sans guerre et sans page sportive, comme un film pornographique sans scène de sexe.

 

Sans ballon, point de salut au football, sinon un salut absurde des joueurs aux supporters pour excuser l'annulation du match.

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